“Très honnêtement, la Salle de musique de La Chaux-de-Fonds reste ma salle préférée”, Francesco Piemontesi

Francesco Piemontesi photo: Marco Borgreve

Francesco Piemontesi s’est prêté au jeu des questions-réponses pour la Société de Musique.

Vous êtes venu pour la première fois à la Salle de musique sur invitation de la Société de Musique lors de sa 120e saison en 2013. Le 18 février, ce sera votre troisième concert pour la Société de Musique. Vous enregistrerez la même semaine un nouvel album. Que vous inspire ce lieu ?
Très honnêtement, la Salle de musique de La Chaux-de-Fonds reste ma salle préférée. Il y a beaucoup de caractéristiques qui la rendent unique. Elle a d’abord cette clarté formidable et une réverbération optimale, le mariage des deux est parfait. De plus, l’acoustique de la salle ne change presque pas qu’il y ait du public ou non. C’est extraordinaire. Ce n’est pas le cas avec d’autres salles qui sonnent très différemment suivant s’il y a du public ou non. C’est la raison principale pour laquelle j’adore cette salle et j’ai décidé d’y enregistrer ce disque Schubert et d’y donner ce concert.

Je suppose que c’est la première fois que vous donnez un concert la même semaine et dans le même lieu que vous enregistrez un album. Pensez-vous que cet exercice apportera qqchose de plus à votre jeu et votre concert ?
Non, en fait je fais cela à chaque fois. Même pour des enregistrements en studio, je joue le dernier jour devant un public invité en concert. Je l’ai fait avec l’orchestre de la BBC à Londres lorsque j’ai enregistré le Concerto de Schumann. On a fait la même chose, on a pris une partie en studio et une partie en concert (note de l’auteur : ce sera le cas aussi pour le concert du 18 février, le concert s’inscrit dans le cadre de l’enregistrement du disque). C’est bien sûr différent de jouer dans une salle qui est vide et devant le public. Moi j’aime bien mélanger les deux. Peut-être qu’il y aura 1 ou 2 voire 3 Sonates que je prendrai du concert quand j’écouterai l’enregistrement. Je préfère prendre les versions studio, car on ne sait jamais, mais il y a des moments dans un concert où l’on peut être particulièrement inspiré et qui sont très difficiles à obtenir dans une salle qui est vide, c’est pourquoi je laisse la porte ouverte et je choisis après, quand j’écoute les bandes peut-être six mois plus tard. Si une sonate est très bien en concert, je la voudrais sur disque. En tout cas, cela apportera sûrement quelque chose au concert. Etant donné que j’aurais déjà été là pendant plusieurs jours pour les besoins de l’enregistrement, j’aurais eu le temps de m’acclimater à la salle et à l’acoustique. Il y aura donc des conditions optimales. Lorsqu’on est en tournée, on a une heure pour se familiariser avec la salle puis il y a le concert, donc on n’a pas vraiment le temps pour cela. Cette fois, j’aurais plus de trois jours pour prendre mes marques, c’est magnifique.

Vous enregistrez et vous jouerez les 3 dernières Sonates pour piano de Schubert. Que représentent ces oeuvres pour vous ?
Schubert est mon compositeur préféré. Et ces oeuvres font partie de mes préférées, elles sont très particulières. Psychologiquement ces 3 dernières Sonates sont les plus intimes. J’ai l’impression que Schubert livre ses pensées les plus personnelles, c’est comme si on parlait à la première personnes avec le compositeur lorsqu’on joue ces oeuvres et c’est quelque chose de très rare. Il y a de la musique qui chante, de la musique qui nous fait rire, de la musique qui nous fait penser, il y a de la musique spirituelle, mais une musique qui nous parle à ce niveau-là c’est vraiment rare. J’ai cette impression à chaque fois. Quand je travaille ces trois oeuvres, j’ai l’impression d’être dans un dialogue immédiat avec le compositeur et cela me fascine.

Vous habitez Berlin. Est-ce que pour mener une carrière comme la vôtre, il était nécessaire de quitter la Suisse ?
Au début sûrement pour lancer une carrière, car il n’y a pas en Suisse les structures nécessaires pour entrer dans un circuit de concert comme en Allemagne par exemple. Cela n’apporte pas assez de concerts. Et il y a toujours eu cette tendance en Suisse dans le domaine de la culture de mettre en évidence des artistes venant de l’étranger plus que des talents nationaux. Je ne sais pas d’où cela vient, mais c’est quelque chose de frappant que j’observe de l’extérieur puisque j’habite à l’étranger depuis 15 ans. C’est une maladie très suisse, je n’ai jamais vu cela dans d’autres pays. Je trouve cela presque scandaleux. Maintenant que ma carrière a pris l’envergure qu’elle a prise et que j’ai joué avec la plupart des grands orchestres du monde, on m’invite et on me considère comme pianiste suisse. Si je n’avais pas joué avec des orchestres de Los Angeles, Londres, Tokyo et de Berlin, je n’aurais jamais eu de carrière en Suisse. Le système est à repenser. D’autres pianistes suisses sont dans le même cas. Peut-être que le fait que nous fonctionnons non pas de manière centralisée mais par canton ne facilite pas les choses, mais le système de promotion de la culture doit vraiment être révisée.

Vous avez votre propre festival à Ascona. Que vous apporte cette activité d’organisateur/programmateur en tant qu’artiste ?
Cela apporte beaucoup, une connaissance du monde de la musique, par exemple des managers d’orchestre que je n’aurais jamais connus si je jouais uniquement sur scène. On comprend mieux pourquoi certaines choses sont faciles à organiser et d’autres non, et comment fonctionne le monde musical européen et mondial. C’était important pour moi de donner quelque chose de personnel au festival, où j’ai découvert moi-même la musique à l’âge de 4 ou 5 ans. J’y ai écouté mes premiers concerts, c’est là que j’ai appris à connaître un univers sonore et musical à travers ce festival, mes premières symphonies (de Tchaïkovski et même de Beethoven). C’est quelque chose d’émouvant de programmer soi-même des concerts et peut-être y aura-t-il quelqu’un qui écoutera ses premiers concerts là-bas tout comme moi à l’époque.

Propos recueillis par la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds

 

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