Interview de Matthias Lingenfelder, premier violon du Quatuor Auryn, en exclusivité pour la Société de Musique !

M. Lingenfelder, vos collègues et vous jouez sur des instruments magnifiques. Vous-même jouez sur un Stradivarius ayant appartenu à Joseph Joachim. Le fondateur de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds (il y a 125 ans) était un élève de Joseph Joachim. Connaissez-vous La Chaux-de-Fonds et avez-vous déjà joué à la Salle de musique ?

Non, ce sera la toute première fois que nous viendrons à La Chaux-de-Fonds. Nous avons souvent entendu parler de cette ville et de sa célèbre salle dont on dit que l’acoustique est magnifique. De nombreux enregistrements y ont été réalisés. Nous nous réjouissons énormément de venir y jouer. Concernant nos instruments, nous avons l’immense chance que des fondations nous les prêtent. C’est plutôt rare pour les quatuors.

Le concert du 10 novembre sera le tout premier que vous donnerez avec le Quatuor Hermès. Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour et que pensez-vous du Quatuor Hermès dont le pianiste Alfred Brendel prétend qu’il est «l’un des meilleurs, parmi les jeunes quatuors les plus prometteurs» ?

C’est d’abord pour des raisons pratiques, parce que nous avons la même agence qui nous a toujours parlé de ce quatuor d’une manière extrêmement élogieuse. Nous l’avons entendu et nous trouvons aussi qu’il est formidablement talentueux. Nous nous réjouissons de jouer pour la première fois avec eux.

Vous allez jouer ensemble l’Octuor à cordes en mi bémol majeur op. 20 de Mendelssohn que le compositeur a écrit alors qu’il n’avait que 16 ans. Que représente cette œuvre pour vous ?

C’est l’une de mes œuvres préférées. C’est une pièce magnifique, absolument géniale. Mendelssohn avait 16 ans comme vous l’avez dit. C’est tout à fait incroyable d’imaginer qu’il ait pu écrire pareille œuvre à cet âge. Cette œuvre a été composée juste après l’été 1825, alors que le jeune homme rentrait d’un voyage à Paris. Mendelssohn devait être un génie, c’est indéniable. C’est très impressionnant. Il y a une extrême légèreté, mais en même temps aussi une grande profondeur intellectuelle dans cette œuvre très réfléchie. C’est quelque chose de vraiment précieux. Nous avons souvent joué l’Octuor avec différents quatuors ou divers musiciens, ainsi qu’avec de jeunes musiciens et des élèves à nous. Évidemment, nos élèves peuvent bien s’immerger parce qu’ils peuvent se reposer sur nous, une structure solide de quatre musiciens. Il est plus facile d’intégrer quatre autres musiciens lorsqu’on est dans ce type de configuration que lorsqu’on est seul.

Vous avez fondé le Quatuor Auryn en 1981, avec lequel vous avez notamment gagné le prix ARD. Quelle est la recette de cette longévité ?

Il me semble que nous sommes actuellement le quatuor à la plus longue longévité dans une formation inchangée depuis 36 ans. Le Quatuor Amadeus détient le record avec 40 ans d’activité avec la même formation. Nous arriverons aussi à 40 ans, c’est sûr! (note de la SDM : c’est en fait au Quatuor Panocha que revient le record de longévité. Créé en 1968 à Prague, il a interprété à La Chaux-de-Fonds le 22 novembre 2016 les Quintettes avec piano de Dvorak et Brahms avec le pianiste canadien Louis Lortie). C’est une grande chance que nous nous soyons trouvés. Nous nous entendons bien. Il faut bien sûr faire preuve de beaucoup de tolérance et s’écouter les uns les autres. Ce qui consolide les liens c’est bien sûr aussi l’amour pour la musique. Quand il y a des crises, qu’on se dispute et qu’on a des problèmes, tout est oublié une fois qu’on monte sur scène et qu’on fait de la musique ensemble en concert. Nous ne nous voyons plus très souvent en privé, mais cela était très différent au début. Pendant les dix premières années de notre histoire commune, nous passions le plus clair de notre temps ensemble. Nous allions boire des verres après les répétitions. Nous avons fait beaucoup de choses ensemble. Puis chacun a eu une famille.

Vous organisez votre propre festival de musique de chambre annuel dans la ville vénitienne d’Este en Italie (Incontri Internazionali) et vous êtes aussi directeur artistique des Musiktage Mondsee en Autriche. Depuis 2003, le quatuor partage sa longue et vaste expérience avec de jeunes musiciens débutants qui suivent son enseignement de musique de chambre à la Hochschule für Musik Detmold. Que vous apportent ces différentes activités ?

Nous avons un immense répertoire, probablement plus grand que la plupart des autres quatuors. Nous avons enregistré l’intégrale des Quatuors de Haydn (il y en a quad même 68), l’intégrale des Quatuors de Schubert, de Beethoven évidemment… Cela pour dire que nous connaissons très bien la littérature classique pour instruments à cordes. Nous pensions qu’il était important de transmettre cette expérience et ces connaissances à la jeune génération, nos propres expériences, notre vision de la musique et notre manière de jouer ensemble. Nous sommes d’avis que c’est une tâche importante pour la génération de musiciens à venir. Pour ce qui est des festivals, l’impulsion venait d’un souhait personnel de notre part. Nous avions envie de concevoir nous-mêmes des programmes de concert et pas seulement d’effectuer des tournées. Nous avions envie de programmer des musiciens et des œuvres que nous aimons et qui intéressent le public. C’est une belle activité qui n’est pas forcément nécessaire mais qui nous plaît beaucoup.

Votre calendrier est extrêmement chargé et vous avez mis longtemps avant de sortir votre dernier CD consacré aux 6 Quintettes à cordes de Mozart paru en 2016. Avez-vous des projets d’enregistrement discographique ?

Nous avons déjà terminé l’enregistrement d’un nouveau CD avec les 6 Quatuors à cordes de Mozart dédiés à Haydn. Ce CD devrait paraître encore avant la fin de l’année ou au plus tard début 2018. Un nouvel enregistrement est prévu pour l’année prochaine, mais ce projet est en cours de réflexion.

Propos recueillis par la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds

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