Recorded in La Chaux-de-Fonds!
En marge des concerts, la Salle de musique attire les grandes maisons de disques pour des enregistrements. Les années 1970-1980 voient défiler le Quartetto Italiano, le Beaux Arts Trio, Martha Argerich, Gidon Kremer, I Musici, Murray Perahia… (Le Temps, 26.02.23.)
Gidon Kremer signera une sélection de disques à l’issue de son concert du 14 mars 2025!
Giya Kancheli – Middelheim
Disparu en octobre 2019, connu principalement pour ses symphonies et ses merveilleuses partitions orchestrales et vocales, Kancheli brille aussi dans le registre plus intime de la musique de chambre.
Le catalogue du Géorgien Giya Kancheli se décline en trois registres principaux : la musique composée pour accompagner le cinéma et le théâtre, la musique dite sérieuse et enfin une musique légère, issue du premier groupe, dont le succès international fut une réelle surprise par sa diffusion et son impact sur des publics fort différents.
Le cas du Trio Middelheim pour violon, violoncelle et piano se distingue sensiblement des Miniatures. Il date de la fin de la vie de Kancheli marquée par de sévères problèmes de santé notamment au niveau cardiaque. Plusieurs hospitalisations et un arrêt cardiaque dont il réchappa de justesse à l’hiver 2016, grâce aux médecins de l’hôpital Middelheim à Anvers, l’incitèrent à manifester sa profonde reconnaissance en élaborant ce Trio qui ne vit le jour qu’en 2021 dans sa ville natale de Tbilissi. Une version antérieure pour trio et orchestre à cordes avait été présentée au public en 2018, quelques mois avant sa disparition.
Kancheli bâtit sa musique comme souvent, sur l’élaboration de dualités forte-piano d’une part et cris de révolte- élans lyriques touchants de l’autre. Middelheim ne déroge pas à ce schéma et charme, à l’écoute, par la perception d’une authenticité caractéristique de l’homme et de son œuvre. Source : Resmusica
La Sonate pour violon et piano n° 2 en sol majeur, op. 13 de Grieg
À écouter le 9 mars à 17h
Formé à Leipzig, Edvard Grieg élabore son langage musical d’après la tradition romantique allemande. Au fil du temps, il développe un sens de l’identité nationale et un désir croissant de créer un style typiquement norvégien. En 1866, Grieg s’installe à Christiana (aujourd’hui Oslo), prend la direction de la Société philharmonique et projette la fondation de l’Académie norvégienne de musique, qui ouvre ses portes le 14 janvier 1867. Le 11 juin 1867, il se marie avec Nina Hagerup et, en juillet, il achève la Sonate pour violon et piano n° 2 en sol majeur, son opus 13. Dédiée à son ami le violoniste et compositeur norvégien Johan Svendsen (1840-1911), elle est créée le 16 novembre 1867 à Christiana par Gudbrand Böhn au violon et le compositeur au piano, puis publiée chez Breitkopf & Härtel à Leipzig.
Cette sonate était connue des premiers interprètes comme la « sonate de danses » de Grieg. Dans le premier mouvement de style rhapsodique, une introduction, en sol mineur, Lento doloroso, et une Coda, Presto, encadrent la forme sonate, Allegro vivace, forme construite sur trois thèmes : le premier, en sol majeur, au caractère très dansant, le second, en si mineur, plutôt chantant et mélancolique, le troisième, en ré majeur, à nouveau dansant. Dans le deuxième mouvement, Allegretto tranquillo, en forme tripartite ABA, la partie A en mi mineur est élégiaque et la partie centrale en mi majeur, dolce, dont la mélodie sera réutilisée par Grieg vingt ans plus tard dans la Romanza de la Sonate no 3. Le troisième mouvement, Allegro animato, commence avec une promesse de danse, mais l’énergie se perd dans des thèmes chantants.
Texte: Dr. Veneziela Naydenova
Le Trio Elégiaque no. 2 de Rachmaninov
Le concert du 14 mars 2025 se terminera par le second trio de Sergeï Rachmaninov, le dernier grand repré-
sentant du romantisme russe. Bien qu’écrits avant que le compositeur n’atteigne l’âge de 21 ans, les deux trios pour piano, violon et violoncelle, dotés d’une expressivité nostalgique, sont des œuvres tout à fait caractéristiques de son style. En 1873, à la mort de P. I. Tchaïkovski, qui fut son modèle et son mentor, le jeune Rachmaninov entame la composition de son Trio élégiaque n° 2 en ré mineur, op. 9. La dédicace « À la
mémoire d’un grand artiste » fait allusion au Trio pour piano, op. 50, de Tchaïkovski, qui portait la même dédicace en hommage à son ami, le pianiste Nikolaï Rubinstein. De plus, Rachmaninov a emprunté au trio de Tchaïkovski le nom « élégiaque », les thèmes et le plan d’ensemble (trois mouvements, dont le premier est Moderato, le deuxième, thème et variations, et le troisième, un court mouvement final). Il a également conçu le deuxième mouvement, composé d’un thème et huit variations, sur un thème Andante en fa majeur, présenté au clavier, qui évoque le motif principal de sa Fantaisie pour l’orchestre « Le Rocher », l’op. 7, dont Tchaïkovski avait promis de diriger la création fixée le 30 novembre 1873. Tout cela témoigne finalement de la profondeur de son chagrin. Achevé en 1894, le Trio est créé le 31 janvier 1894 à Moscou par Jules Conus, Anatoli Brandoukov et le compositeur au clavier, qui était l’un des meilleurs pianistes de son temps. Le Trio est publié la même année par Gutheim à Moscou, mais cette version ne satisfait pas Rachmaninov, qui le
révise en 1907, puis en 1917, dans sa quête de perfection. Texte; Dr. Veneziela Naydenova
Zoltán Kodály, Sérénade, pour deux violons et alto, op 12
Pédagogue, ethnomusicologue et infatigable organisateur de la vie musicale, Zoltán Kodály jouit en Hongrie d’une reconnaissance immense, bien que sa notoriété ait eu plus de mal à franchir les frontières du pays. Plusieurs facteurs expliquent cette relative méconnaissance : la barrière de la langue hongroise, essentielle dans son œuvre essentiellement vocale, le style plus restreint de Kodály par rapport à son ami Béla Bartók, ainsi que la récupération politique de son œuvre par le régime communiste après la guerre. Bien qu’opposé au pouvoir en place, Kodály fut malgré lui érigé en figure officielle, entouré d’une école de suiveurs qui contribuèrent à figer son image.
Pourtant, réduire Kodály à un compositeur académique et folklorique serait une erreur. Son génie créatif transparaît notamment dans son répertoire de musique de chambre, qui, au moment de la Première Guerre mondiale, lui valut une renommée internationale. Si ses sonates pour violoncelle, instrument qu’il chérissait particulièrement, sont souvent considérées comme son sommet, la Sérénade op. 12 (1920) vient clore cette période avec une originalité qui impressionna profondément Bartók. (Source: Philharmonie de Paris)
Vilde Frang en trio – concert exclusif en Suisse – Une première escale exceptionnelle
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
La Chaux-de-Fonds, février 2025
Vilde Frang en concert exclusif en Suisse – Une première escale exceptionnelle
Le mardi 18 février 2025 à 19h30, la Salle de Musique de La Chaux-de-Fonds accueillera un concert unique en Suisse, marquant la première escale d’une tournée européenne de trois dates. L’exceptionnelle violoniste Vilde Frang, figure incontournable de la scène internationale, sera accompagnée de Valeriy Sokolov et Lawrence Power pour une soirée de musique de chambre hors du commun.
Révélée très jeune par Mariss Jansons, Vilde Frang s’est imposée comme l’une des violonistes les plus marquantes de sa génération, alliant virtuosité, profondeur et sensibilité. Elle partagera la scène avec Valeriy Sokolov, violoniste ukrainien au jeu intense et expressif, lauréat du Concours George Enescu, et Lawrence Power, altiste britannique reconnu pour sa musicalité et son engagement.
Le trio proposera un programme inédit, mêlant des œuvres rares et magistrales :
Eugène Ysaÿe – Sonate pour deux violons en la mineur
Bjarne Brustad – Capricci pour violon et alto
Zoltán Kodály – Sérénade pour deux violons et alto, op. 12
Ce concert mettra en lumière trois compositeurs passionnés par la transmission et la pédagogie musicale. Eugène Ysaÿe, immense violoniste et pédagogue, a marqué des générations d’artistes. Bjarne Brustad, compositeur norvégien, a su mêler néo-classicisme et modernité, tandis que Zoltán Kodály, amoureux du folklore hongrois, a enrichi la musique de chambre avec des harmonies inspirées des traditions populaires.
Un événement à ne pas manquer, qui sera enregistré par RTS Espace 2 pour une diffusion ultérieure.
PRESSEMITTEILUNG
La Chaux-de-Fonds, Februar 2025
Vilde Frang in einem exklusiven Konzert in der Schweiz – Ein herausragender Tourneeauftakt
Am Dienstag, den 18. Februar 2025, um 19:30 Uhr empfängt die Salle de Musique in La Chaux-de-Fonds ein einzigartiges Konzert in der Schweiz. Dieses Konzert markiert den Auftakt einer dreiteiligen Europatournee und bringt drei aussergewöhnliche Musiker*innen zusammen: Die herausragende Geigerin Vilde Frang, eine der bedeutendsten Persönlichkeiten der internationalen Musikszene, tritt gemeinsam mit Valeriy Sokolov und Lawrence Power auf und verspricht einen Kammermusikabend der Extraklasse.
Schon in jungen Jahren von Mariss Jansons entdeckt, hat sich Vilde Frang als eine der faszinierendsten Geigerinnen ihrer Generation etabliert – mit einer unverwechselbaren Mischung aus Virtuosität, Tiefe und Sensibilität. An ihrer Seite stehen der ausdrucksstarke ukrainische Geiger Valeriy Sokolov, Gewinner des George-Enescu-Wettbewerbs, sowie der britische Bratschist Lawrence Power, bekannt für seine Musikalität und sein künstlerisches Engagement.
Das Trio präsentiert ein aussergewöhnliches Programm mit selten gespielten, aber meisterhaften Werken:
Eugène Ysaÿe – Sonate für zwei Violinen in a-Moll
Bjarne Brustad – Capriccio für Violine und Viola
Zoltán Kodály – Serenade für zwei Violinen und Viola, op. 12
Drei Komponisten stehen im Mittelpunkt dieses Abends – alle drei waren von der musikalischen Pädagogik und der Weitergabe ihrer Kunst fasziniert. Eugène Ysaÿe, selbst ein legendärer Violinist und Lehrer, beeinflusste Generationen von Musiker*innen. Bjarne Brustad, ein norwegischer Komponist, verband Neoklassizismus mit modernen Klängen, während Zoltán Kodály, ein leidenschaftlicher Bewahrer ungarischer Folklore, mit seiner Musik die Kammermusiktradition bereicherte.
Ein musikalisches Ereignis, das von RTS Espace 2 aufgezeichnet und später ausgestrahlt wird.
Salle de Musique, Av. Léopold-Robert 27-29, La Chaux-de-Fonds
Recueil de Lieder Opus 10 de Richard Strauss
14 ans avant le jeune Schönberg, le compositeur de 21 ans Richard Strauss était lui aussi en quête de nouvelles formes d’expression pour une poésie contemporaine, tournée vers le tournant du siècle. Comme on pouvait s’y attendre d’un génie apollinien de son envergure, il ne débuta pas sa production de Lieder par des chants poétiques et discrets, à la manière de Schönberg, mais avec un coup de maître. Il est rare qu’un compositeur ait présenté un premier recueil de Lieder aussi durablement couronné de succès que Strauss avec son Opus 10.
Entre août et octobre 1885, il mit en musique huit poèmes du poète à la mode Hermann von Gilm, à Munich, Steinach et Meiningen. Toujours en phase avec l’esprit de son temps, Strauss ne s’interrogea guère sur la qualité poétique de ces textes, mais il permit à Gilm d’accéder à l’immortalité par le biais de la musique, du moins à travers les poèmes Zueignung et Allerseelen.
Concernant les œuvres de l’Opus 10, Werner Oehlmann écrivait :
« Que les poèmes, issus du recueil Letzte Blätter (Dernières Feuilles) de Heinrich von Gilm, avec leur mélange de ferveur, de méditation et de sentimentalité, soient aujourd’hui considérés comme dépassés, la musique vive et puissante du jeune génie les a élevés au-dessus de leur époque et leur a permis de perdurer. Zueignung, un prélude enthousiaste, contient des éléments typiquement straussiens : un sentiment franc et inébranlable, un do majeur élémentaire et peu chromatisé, une mélodie souple et liée au texte, projetée avec exubérance vers le sommet : « Und beschworst darin die Bösen, daß ich, was ich nie gewesen, heilig, heilig ans Herz dir sank. » (Et tu as conjuré les mauvais esprits, afin que je devienne saint, moi qui ne l’avais jamais été, et que je tombe sacré contre ton cœur.) Les trois occurrences de « Habe Dank » (Reçois mes remerciements), d’abord contenues en un petit intervalle de tierce, puis éclatant avec enthousiasme en un saut de sixte majeur (sol-mi), figurent parmi ces mots ailés que la musique du tournant du siècle a produits.
Nichts (« Nennen soll ich, sagt ihr, meine Königin ? » – « Dois-je la nommer, dites-vous, ma reine ? ») est léger et élégant dans sa formulation.
Die Zeitlose (« Auf frisch gemähtem Weideplatz » – « Sur un pré fraîchement fauché »), un arioso sobre et sérieux, déclamé avec expressivité.
Allerseelen (« Stell auf den Tisch die duftenden Reseden » – « Mets sur la table les résédas odorants ») est l’un des Lieder les plus chantés de Strauss ; on peut admirer comment la clarté et la spontanéité de la diction musicale transcendent la sentimentalité du texte et placent cette scène empreinte de souvenirs à une distance objectivante. » (Source: traduit en français de Kammermusiführer).
—-> à écouter en concert dimanche 9 février à 17h dans la série Nouveaux Talents:
« Ardon gl’incensi – Spargi d’amaro pianto » – l’air de la folie dans Lucia di Lammermoor
« En dix ans, Regula Mühlemann a accompli une ascension fulgurante, côtoyant sur scène des illustres collègues comme Cecilia Bartoli ou Joyce DiDonato, engagée dans les grandes maisons d’opéra et les festivals internationaux. Longtemps cantonnée dans le répertoire mozartien, elle se destine à endosser des rôles dans le bel canto romantique. »
« Pureté de l’instrument vocal, sincérité de l’engagement, silhouette d’une beauté classique participent au succès de la soprano lucernoise »
« Bref, tout va pour le mieux pour cette cantatrice qui trouve à peine le temps de poser ses bagages chez elle, engagée dans des productions d’opéra, des opéras en versions concertantes ou des concerts isolés, à Londres, Paris, Barcelone, Vienne et Berlin. »
Le Temps, Julian Sykes
« Elle rêve de chanter Lucia di Lammermoor » … ce sera le cas le vendredi 7 février à 19h30 avec l’air de la folie « Ardon gl’incensi – Spargi d’amaro pianto ». Regula Mühlemann réalisera ainsi son rêve
À vivre dans l’acoustique légendaire de la Salle de musique de La Chaux-de-Fond avec Michele Spotti au pupitre.
Lucia occupe une place à part dans l’œuvre pléthorique de Donizetti : seul titre à s’être constamment maintenu au répertoire avec L’elisir d’amore et, en France, La Fille du régiment, ce fut aussi l’un des plus grands succès que connut le compositeur de son vivant. En quelques années, Lucia di Lammermoor deviendra le parangon de l’opéra romantique italien, mais aussi tout simplement l’un des titres les plus célèbres de tout le répertoire lyrique. En 1857, vingt ans exactement après la création française de l’ouvrage, lorsqu’Emma Bovary se rend à l’Opéra, c’est à Lucia di Lammermoor qu’elle assiste. Cent quarante ans plus tard, Luc Besson utilise la musique de folie de Lucia dans Le Cinquième Élément, musique que s’appropriera à son tour, quelques années plus tard le chanteur pop russe Vitas.
Alexandre Kantorow et la SDM CDF dans International Piano
International Piano, Novembre 2024
Alexandre Kantorow_ embracing the moment _ Gramophone
« Il y a un « facteur wow » équivalent dans le choix de Kantorow pour le lieu d’enregistrement : la Salle de Musique de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds, avec son Steinway de 1966 sur lequel Claudio Arrau avait l’habitude d’enregistrer. C’est le premier album que Kantorow enregistre dans ces conditions réputées idéales, attiré par une expérience en août 2022 dans cette salle qui l’a laissé sur sa faim, avec l’envie d’y revenir. « En général, je change toujours de lieu pour chaque enregistrement, car je suis curieux de tenter de nouvelles choses, et à chaque fois nous avons une nouvelle idée », commence-t-il. « Parfois, c’était dans une église. Il y avait aussi une salle “boîte à chaussures” à Paris, très difficile pour jouer, et j’ai la chance d’avoir un ingénieur du son [Jens Braun] qui est incroyable pour moi. Mais la dernière fois, nous nous sommes dit que c’était peut-être le moment de nous faire plaisir, d’aller dans un endroit où tout le monde nous dit que la qualité d’enregistrement est incroyable et où nous n’avons pas besoin de nous adapter follement pour que cela fonctionne ! »
Ainsi, La Chaux-de-Fonds – et bien que Kantorow ait pris la précaution de faire venir un piano moderne, une fois dans la salle, il est tombé amoureux du piano d’Arrau. « Il était couvert quand nous sommes arrivés », se souvient-il, « et quand nous l’avons mis sur scène et que j’ai commencé à jouer, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup à découvrir. J’ai juste voulu l’explorer encore et encore ; et la salle elle-même apporte également beaucoup, car elle est grande tout en gardant une sensation intime. » Quant aux qualités de l’instrument, « C’est un type de son issu d’une façon différente de fabriquer les instruments », observe-t-il. « Ce qu’il perd en tension des cordes et en capacité de projection dans une salle de 2000 places, il le compense en harmoniques et en couleurs. Le son médium est si riche, et très sombre. Cela ressemble un peu à du chocolat chaud. Vous pouvez aller vraiment en profondeur avec vos mains. Vous pouvez obtenir d’énormes dimensions de couches, et le timbre d’une note change énormément selon l’attaque. Vous pouvez également jouer beaucoup plus avec la pédale – il y a énormément d’harmoniques, et les changements de pédale ne sont pas aussi nets que sur les pianos modernes, ce qui vous permet de jouer avec des notes qui se fondent les unes dans les autres. » À mesure qu’il analyse, il devient frappant à quel point il ressemble aux musiciens à cordes décrivant une brève opportunité de passer d’un instrument récent à un ancien de Crémone, comme un Stradivarius. « Ce sentiment où l’on peut ressentir une personnalité dans l’instrument… », réfléchit-il. « Quelque chose qui semble mystérieux ; qui donne envie de s’y plonger davantage, et qui, ensuite, vous laisse avec des sons dans l’esprit que vous essayez de recréer sur d’autres pianos. »
Revenir à cette combinaison mystérieuse et magique de piano et de salle pour son dernier album consacré à Brahms a cependant nécessité d’accepter des conditions environnantes loin d’être idéales. Pour commencer, alors que Kantorow enregistre habituellement au terme d’un projet de performance, le concert des Sommets Musicaux de Gstaad – sa dernière chance de jouer le programme avant l’enregistrement – sera seulement la troisième fois qu’il l’exécutera en public. De plus, les séances d’enregistrement auront lieu de nuit.
« Oui, disons que cela a commencé de manière très pragmatique », rit-il, en voyant que mon expression suggère que ces conditions ne sont pas des plus simples. « Je n’avais pas eu beaucoup de temps pour construire ce programme, et je devais faire une grande tournée avec en mars, à ce moment-là je voulais être très clair sur ce que je voulais dans la musique. Alors, sachant que l’enregistrement est l’un des meilleurs moyens de consolider votre manière de jouer, je me suis dit qu’il était vraiment important d’essayer quelque chose de nouveau et de l’enregistrer avant. Et ensuite, la salle n’était pas disponible, donc la seule solution logique que j’ai trouvée était de demander si elle était libre pendant les nuits, et ils ont dit oui ! » Pourtant, cet après-midi de février enneigé, Kantorow ne semble ni inquiet ni accablé, mais simplement curieux de voir comment il trouvera le fait de traiter un enregistrement comme une partie du processus interprétatif. « Jouer la nuit a toujours une sensation spéciale », souligne-t-il. « Cette impression d’être la seule personne active dans une ville endormie. Je ne sais pas comment cela se traduira en enregistrement, car pour les séances il faut de l’inspiration, beaucoup d’énergie et de volonté pour continuer. Mais dans les jours précédant, je vais me préparer physiquement en essayant de ne pas dormir la nuit, et plutôt plus pendant la journée. » En outre, il a prévu une petite sécurité : un retour à la Société de Musique pour jouer le récital en concert – avec l’opportunité d’enregistrer la répétition de ce jour-là, et même d’entendre si son interprétation a beaucoup changé au fil des concerts entre-temps. »