Focus sur la Passacaille et Fugue en do mineur BWV 582

Johann Sebastian Bach

Passacaille et thème fugué en ut mineur pour orgue BWV 582

Composition : inconnue (avant 1713). Durée : environ 13 minutes.

Après sa mort, en 1750, Johann Sebastian Bach a bien failli tomber dans un oubli presque complet : son langage savant était déjà passé de mode de son vivant, dès la décennie 1740, et ses propres fils illustraient par leurs œuvres un goût nouveau, fait de sensibilité à fleur de peau ou de style galant un peu superficiel. Bien que certaines œuvres, comme Le Clavier bien tempéré, n’aient jamais cessé d’être jouées par les clavecinistes et les pianistes, surtout à titre d’exercice, la musique de Bach a eu la chance d’être à plusieurs reprises « redécouverte » et remise à l’honneur. Citons par exemple Mozart déchiffrant les partitions de la collection du Baron van Swieten et introduisant dans sa musique une pensée contrapuntique nouvelle, Mendelssohn faisant découvrir au grand public berlinois la Passion selon saint Matthieu en dirigeant ce monument dans la grande salle de la Sing-Akademie en 1829, et, plus proche de nous, un supposé « retour à Bach » chez certains compositeurs des années 1920 en France, voulant se démarquer des sortilèges debussystes.

Cependant, chaque époque possède sa propre vision de la musique de Bach, et la découverte de ses réinterprétations, littérales ou librement inspirées, est un passionnant voyage esthétique.

Chef d’œuvre de Bach, la Passacaille et Fugue en ut mineur BWV 582 n’a pas d’équivalent, pas son ampleur, dans tout le répertoire pour orgue de son temps. Son thème immuable de huit mesures, d’une majestueuse grandeur, est une contrainte maximale engendrant le renouvellement constant des figures qui s’y superposent. Bach ménage des progressions dans les rythmes, les densités, les couleurs de l’orgue, allégeant la partie centrale (où le thème passe fugitivement dans l’aigu) pour mieux réintroduire ensuite toute la puissance d’une polyphonie allant jusqu’à cinq voix simultanées. Mais le couronnement de l’œuvre est constitué par la fugue finale (aucun autre compositeur n’avait encore songé à associer une passacaille et une fugue) prenant comme sujet les quatre premières mesures de la passacaille. Cette fugue peut donc être considérée comme une ultime variation, beaucoup plus vaste, où pour la première fois le discours va pouvoir moduler (au terme de quelque huit minutes d’ut mineur !). Après 20 variations strictes, l’invention de Bach y semple encore plus inépuisable.

Isabelle Rouard

Scroll to top