Recueil de Lieder Opus 10 de Richard Strauss

14 ans avant le jeune Schönberg, le compositeur de 21 ans Richard Strauss était lui aussi en quête de nouvelles formes d’expression pour une poésie contemporaine, tournée vers le tournant du siècle. Comme on pouvait s’y attendre d’un génie apollinien de son envergure, il ne débuta pas sa production de Lieder par des chants poétiques et discrets, à la manière de Schönberg, mais avec un coup de maître. Il est rare qu’un compositeur ait présenté un premier recueil de Lieder aussi durablement couronné de succès que Strauss avec son Opus 10.

Entre août et octobre 1885, il mit en musique huit poèmes du poète à la mode Hermann von Gilm, à Munich, Steinach et Meiningen. Toujours en phase avec l’esprit de son temps, Strauss ne s’interrogea guère sur la qualité poétique de ces textes, mais il permit à Gilm d’accéder à l’immortalité par le biais de la musique, du moins à travers les poèmes Zueignung et Allerseelen.

Concernant les œuvres de l’Opus 10, Werner Oehlmann écrivait :
« Que les poèmes, issus du recueil Letzte Blätter (Dernières Feuilles) de Heinrich von Gilm, avec leur mélange de ferveur, de méditation et de sentimentalité, soient aujourd’hui considérés comme dépassés, la musique vive et puissante du jeune génie les a élevés au-dessus de leur époque et leur a permis de perdurer. Zueignung, un prélude enthousiaste, contient des éléments typiquement straussiens : un sentiment franc et inébranlable, un do majeur élémentaire et peu chromatisé, une mélodie souple et liée au texte, projetée avec exubérance vers le sommet : « Und beschworst darin die Bösen, daß ich, was ich nie gewesen, heilig, heilig ans Herz dir sank. » (Et tu as conjuré les mauvais esprits, afin que je devienne saint, moi qui ne l’avais jamais été, et que je tombe sacré contre ton cœur.) Les trois occurrences de « Habe Dank » (Reçois mes remerciements), d’abord contenues en un petit intervalle de tierce, puis éclatant avec enthousiasme en un saut de sixte majeur (sol-mi), figurent parmi ces mots ailés que la musique du tournant du siècle a produits.

Nichts (« Nennen soll ich, sagt ihr, meine Königin ? »« Dois-je la nommer, dites-vous, ma reine ? ») est léger et élégant dans sa formulation.
Die Zeitlose (« Auf frisch gemähtem Weideplatz »« Sur un pré fraîchement fauché »), un arioso sobre et sérieux, déclamé avec expressivité.

Allerseelen (« Stell auf den Tisch die duftenden Reseden »« Mets sur la table les résédas odorants ») est l’un des Lieder les plus chantés de Strauss ; on peut admirer comment la clarté et la spontanéité de la diction musicale transcendent la sentimentalité du texte et placent cette scène empreinte de souvenirs à une distance objectivante. » (Source: traduit en français de Kammermusiführer).

—-> à écouter en concert dimanche 9 février à 17h dans la série Nouveaux Talents:

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