Pédagogue, ethnomusicologue et infatigable organisateur de la vie musicale, Zoltán Kodály jouit en Hongrie d’une reconnaissance immense, bien que sa notoriété ait eu plus de mal à franchir les frontières du pays. Plusieurs facteurs expliquent cette relative méconnaissance : la barrière de la langue hongroise, essentielle dans son œuvre essentiellement vocale, le style plus restreint de Kodály par rapport à son ami Béla Bartók, ainsi que la récupération politique de son œuvre par le régime communiste après la guerre. Bien qu’opposé au pouvoir en place, Kodály fut malgré lui érigé en figure officielle, entouré d’une école de suiveurs qui contribuèrent à figer son image.
Pourtant, réduire Kodály à un compositeur académique et folklorique serait une erreur. Son génie créatif transparaît notamment dans son répertoire de musique de chambre, qui, au moment de la Première Guerre mondiale, lui valut une renommée internationale. Si ses sonates pour violoncelle, instrument qu’il chérissait particulièrement, sont souvent considérées comme son sommet, la Sérénade op. 12 (1920) vient clore cette période avec une originalité qui impressionna profondément Bartók. (Source: Philharmonie de Paris)
Vilde Frang en concert exclusif en Suisse – Une première escale exceptionnelle
Le mardi 18 février 2025 à 19h30, la Salle de Musique de La Chaux-de-Fonds accueillera un concert unique en Suisse, marquant la première escale d’une tournée européenne de trois dates. L’exceptionnelle violoniste Vilde Frang, figure incontournable de la scène internationale, sera accompagnée de Valeriy Sokolov et Lawrence Power pour une soirée de musique de chambre hors du commun.
Révélée très jeune par Mariss Jansons, Vilde Frang s’est imposée comme l’une des violonistes les plus marquantes de sa génération, alliant virtuosité, profondeur et sensibilité. Elle partagera la scène avec Valeriy Sokolov, violoniste ukrainien au jeu intense et expressif, lauréat du Concours George Enescu, et Lawrence Power, altiste britannique reconnu pour sa musicalité et son engagement.
Le trio proposera un programme inédit, mêlant des œuvres rares et magistrales : Eugène Ysaÿe – Sonate pour deux violons en la mineur
Bjarne Brustad – Capricci pour violon et alto
Zoltán Kodály – Sérénade pour deux violons et alto, op. 12
Ce concert mettra en lumière trois compositeurs passionnés par la transmission et la pédagogie musicale. Eugène Ysaÿe, immense violoniste et pédagogue, a marqué des générations d’artistes. Bjarne Brustad, compositeur norvégien, a su mêler néo-classicisme et modernité, tandis que Zoltán Kodály, amoureux du folklore hongrois, a enrichi la musique de chambre avec des harmonies inspirées des traditions populaires.
Un événement à ne pas manquer, qui sera enregistré par RTS Espace 2 pour une diffusion ultérieure.
PRESSEMITTEILUNG
La Chaux-de-Fonds, Februar 2025
Vilde Frang in einem exklusiven Konzert in der Schweiz – Ein herausragender Tourneeauftakt
Am Dienstag, den 18. Februar 2025, um 19:30 Uhr empfängt die Salle de Musique in La Chaux-de-Fonds ein einzigartiges Konzert in der Schweiz. Dieses Konzert markiert den Auftakt einer dreiteiligen Europatournee und bringt drei aussergewöhnliche Musiker*innen zusammen: Die herausragende Geigerin Vilde Frang, eine der bedeutendsten Persönlichkeiten der internationalen Musikszene, tritt gemeinsam mit Valeriy Sokolov und Lawrence Power auf und verspricht einen Kammermusikabend der Extraklasse.
Schon in jungen Jahren von Mariss Jansons entdeckt, hat sich Vilde Frang als eine der faszinierendsten Geigerinnen ihrer Generation etabliert – mit einer unverwechselbaren Mischung aus Virtuosität, Tiefe und Sensibilität. An ihrer Seite stehen der ausdrucksstarke ukrainische Geiger Valeriy Sokolov, Gewinner des George-Enescu-Wettbewerbs, sowie der britische Bratschist Lawrence Power, bekannt für seine Musikalität und sein künstlerisches Engagement.
Das Trio präsentiert ein aussergewöhnliches Programm mit selten gespielten, aber meisterhaften Werken:
Eugène Ysaÿe – Sonate für zwei Violinen in a-Moll
Bjarne Brustad – Capriccio für Violine und Viola
Zoltán Kodály – Serenade für zwei Violinen und Viola, op. 12
Drei Komponisten stehen im Mittelpunkt dieses Abends – alle drei waren von der musikalischen Pädagogik und der Weitergabe ihrer Kunst fasziniert. Eugène Ysaÿe, selbst ein legendärer Violinist und Lehrer, beeinflusste Generationen von Musiker*innen. Bjarne Brustad, ein norwegischer Komponist, verband Neoklassizismus mit modernen Klängen, während Zoltán Kodály, ein leidenschaftlicher Bewahrer ungarischer Folklore, mit seiner Musik die Kammermusiktradition bereicherte.
Ein musikalisches Ereignis, das von RTS Espace 2 aufgezeichnet und später ausgestrahlt wird.
Salle de Musique, Av. Léopold-Robert 27-29, La Chaux-de-Fonds
14 ans avant le jeune Schönberg, le compositeur de 21 ans Richard Strauss était lui aussi en quête de nouvelles formes d’expression pour une poésie contemporaine, tournée vers le tournant du siècle. Comme on pouvait s’y attendre d’un génie apollinien de son envergure, il ne débuta pas sa production de Lieder par des chants poétiques et discrets, à la manière de Schönberg, mais avec un coup de maître. Il est rare qu’un compositeur ait présenté un premier recueil de Lieder aussi durablement couronné de succès que Strauss avec son Opus 10.
Entre août et octobre 1885, il mit en musique huit poèmes du poète à la mode Hermann von Gilm, à Munich, Steinach et Meiningen. Toujours en phase avec l’esprit de son temps, Strauss ne s’interrogea guère sur la qualité poétique de ces textes, mais il permit à Gilm d’accéder à l’immortalité par le biais de la musique, du moins à travers les poèmes Zueignung et Allerseelen.
Concernant les œuvres de l’Opus 10, Werner Oehlmann écrivait : « Que les poèmes, issus du recueil Letzte Blätter (Dernières Feuilles) de Heinrich von Gilm, avec leur mélange de ferveur, de méditation et de sentimentalité, soient aujourd’hui considérés comme dépassés, la musique vive et puissante du jeune génie les a élevés au-dessus de leur époque et leur a permis de perdurer. Zueignung, un prélude enthousiaste, contient des éléments typiquement straussiens : un sentiment franc et inébranlable, un do majeur élémentaire et peu chromatisé, une mélodie souple et liée au texte, projetée avec exubérance vers le sommet : « Und beschworst darin die Bösen, daß ich, was ich nie gewesen, heilig, heilig ans Herz dir sank. » (Et tu as conjuré les mauvais esprits, afin que je devienne saint, moi qui ne l’avais jamais été, et que je tombe sacré contre ton cœur.) Les trois occurrences de « Habe Dank » (Reçois mes remerciements), d’abord contenues en un petit intervalle de tierce, puis éclatant avec enthousiasme en un saut de sixte majeur (sol-mi), figurent parmi ces mots ailés que la musique du tournant du siècle a produits.
Nichts (« Nennen soll ich, sagt ihr, meine Königin ? » – « Dois-je la nommer, dites-vous, ma reine ? ») est léger et élégant dans sa formulation. Die Zeitlose (« Auf frisch gemähtem Weideplatz » – « Sur un pré fraîchement fauché »), un arioso sobre et sérieux, déclamé avec expressivité.
Allerseelen (« Stell auf den Tisch die duftenden Reseden » – « Mets sur la table les résédas odorants ») est l’un des Lieder les plus chantés de Strauss ; on peut admirer comment la clarté et la spontanéité de la diction musicale transcendent la sentimentalité du texte et placent cette scène empreinte de souvenirs à une distance objectivante. » (Source: traduit en français de Kammermusiführer).
—-> à écouter en concert dimanche 9 février à 17h dans la série Nouveaux Talents:
« En dix ans, Regula Mühlemann a accompli une ascension fulgurante, côtoyant sur scène des illustres collègues comme Cecilia Bartoli ou Joyce DiDonato, engagée dans les grandes maisons d’opéra et les festivals internationaux. Longtemps cantonnée dans le répertoire mozartien, elle se destine à endosser des rôles dans le bel canto romantique. »
« Pureté de l’instrument vocal, sincérité de l’engagement, silhouette d’une beauté classique participent au succès de la soprano lucernoise »
« Bref, tout va pour le mieux pour cette cantatrice qui trouve à peine le temps de poser ses bagages chez elle, engagée dans des productions d’opéra, des opéras en versions concertantes ou des concerts isolés, à Londres, Paris, Barcelone, Vienne et Berlin. »
Le Temps, Julian Sykes
« Elle rêve de chanter Lucia di Lammermoor » … ce sera le cas le vendredi 7 février à 19h30 avec l’air de la folie « Ardon gl’incensi – Spargi d’amaro pianto ». Regula Mühlemann réalisera ainsi son rêve
À vivre dans l’acoustique légendaire de la Salle de musique de La Chaux-de-Fond avec Michele Spotti au pupitre.
Lucia occupe une place à part dans l’œuvre pléthorique de Donizetti : seul titre à s’être constamment maintenu au répertoire avec L’elisir d’amore et, en France, La Fille du régiment, ce fut aussi l’un des plus grands succès que connut le compositeur de son vivant. En quelques années, Lucia di Lammermoor deviendra le parangon de l’opéra romantique italien, mais aussi tout simplement l’un des titres les plus célèbres de tout le répertoire lyrique. En 1857, vingt ans exactement après la création française de l’ouvrage, lorsqu’Emma Bovary se rend à l’Opéra, c’est à Lucia di Lammermoor qu’elle assiste. Cent quarante ans plus tard, Luc Besson utilise la musique de folie de Lucia dans Le Cinquième Élément, musique que s’appropriera à son tour, quelques années plus tard le chanteur pop russe Vitas.
Acte III
Enrico provoque Edgardo en duel : les deux hommes doivent se retrouver le lendemain près des tombeaux des Ravenswood.
Pendant ce temps sont célébrées les noces de Lucia et d’Arturo, mais elles sont brutalement interrompues par l’arrivée de la mariée, l’air égaré, les mains couvertes de sang : Lucia a perdu la raison et, dans un accès de démence, a poignardé l’homme qu’on l’a forcée à épouser… Elle chante sa folie dans une longue et difficile scène (« Il doce suono » – « Ardon gli incensi ») devant les invités horrifiés, puis annonce sa mort prochaine : « Spargi d’amaro pianto ».
La folie de Lucie dans le roman de Walter Scott :
Arrivé à la porte de la chambre, le colonel y frappa, appela sa sœur et Bucklaw, et ne reçut d’autre réponse qu’un faible et long gémissement. Il n’hésita plus à ouvrir la porte, mais quelque chose opposait un obstacle qui céda pourtant facilement au premier effort que fit le colonel pour la pousser. On entra dans l’appartement, et la première chose qu’on aperçut fut le corps de Bucklaw, étendu par terre derrière la porte, et nageant dans son sang. Tous poussèrent à l’instant un cri de surprise et d’horreur qui fut entendu dans le salon, et toute la compagnie, concevant de nouvelles alarmes, se précipita vers l’appartement d’où venait ce bruit.
– Elle l’a tué ! dit tout bas à sa mère le colonel Ashton. Cherchez-la.
Et, tirant son épée, il sortit de la chambre, se mit à la porte, et jura que personne n’y entrerait que le ministre et un chirurgien qui se trouvait au château. Bucklaw respirait encore ; on s’empressa de le relever, on le transporta dans un autre appartement, où ses amis le suivirent afin de connaître plus tôt ce que le chirurgien penserait de ses blessures.
Cependant sir William, lady Ashton et les deux parents qui les avaient suivis n’avaient pas trouvé Lucie dans le lit nuptial ni dans la chambre. Comme il n’y existait d’autre porte que celle par laquelle ils étaient entrés, et qu’ils avaient trouvée fermée, ils commencèrent à craindre qu’elle ne se fût jetée par la fenêtre, quand l’un d’eux, faisant des yeux une revue plus attentive de l’appartement, découvrit quelque chose de blanc dans le coin d’une grande cheminée. C’était la malheureuse fille qui était accroupie, ou plutôt blottie dans les cendres. Ses cheveux étaient épars, ses vêtements déchirés et souillés de sang, ses yeux brillaient d’un éclat terne et les convulsions de la démence agitaient ses traits. Quand elle se vit découverte, elle grinça des dents, tendit ses mains ensanglantées avec les gestes frénétiques d’un démoniaque.
On fut obligé d’appeler quelques servantes, car ce ne fut qu’en recourant à la force qu’on put la tirer de la retraite qu’elle avait choisie. Elle n’avait pas jusqu’alors prononcé une seule parole distinctement articulée, et ce ne fut que dans le moment où on la transportait hors de cette chambre qu’elle s’écria avec une espèce de joie sinistre : – Vous avez donc emmené votre beau fiancé ? – On la déposa dans un autre appartement, où plusieurs femmes la suivirent pour veiller sur elle et lui donner les soins que sa situation exigeait.
Walter Scott, La Fiancée de Lammermoor, chapitre XXXIV
« Il y a un « facteur wow » équivalent dans le choix de Kantorow pour le lieu d’enregistrement : la Salle de Musique de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds, avec son Steinway de 1966 sur lequel Claudio Arrau avait l’habitude d’enregistrer. C’est le premier album que Kantorow enregistre dans ces conditions réputées idéales, attiré par une expérience en août 2022 dans cette salle qui l’a laissé sur sa faim, avec l’envie d’y revenir. « En général, je change toujours de lieu pour chaque enregistrement, car je suis curieux de tenter de nouvelles choses, et à chaque fois nous avons une nouvelle idée », commence-t-il. « Parfois, c’était dans une église. Il y avait aussi une salle “boîte à chaussures” à Paris, très difficile pour jouer, et j’ai la chance d’avoir un ingénieur du son [Jens Braun] qui est incroyable pour moi. Mais la dernière fois, nous nous sommes dit que c’était peut-être le moment de nous faire plaisir, d’aller dans un endroit où tout le monde nous dit que la qualité d’enregistrement est incroyable et où nous n’avons pas besoin de nous adapter follement pour que cela fonctionne ! »
Ainsi, La Chaux-de-Fonds – et bien que Kantorow ait pris la précaution de faire venir un piano moderne, une fois dans la salle, il est tombé amoureux du piano d’Arrau. « Il était couvert quand nous sommes arrivés », se souvient-il, « et quand nous l’avons mis sur scène et que j’ai commencé à jouer, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup à découvrir. J’ai juste voulu l’explorer encore et encore ; et la salle elle-même apporte également beaucoup, car elle est grande tout en gardant une sensation intime. » Quant aux qualités de l’instrument, « C’est un type de son issu d’une façon différente de fabriquer les instruments », observe-t-il. « Ce qu’il perd en tension des cordes et en capacité de projection dans une salle de 2000 places, il le compense en harmoniques et en couleurs. Le son médium est si riche, et très sombre. Cela ressemble un peu à du chocolat chaud. Vous pouvez aller vraiment en profondeur avec vos mains. Vous pouvez obtenir d’énormes dimensions de couches, et le timbre d’une note change énormément selon l’attaque. Vous pouvez également jouer beaucoup plus avec la pédale – il y a énormément d’harmoniques, et les changements de pédale ne sont pas aussi nets que sur les pianos modernes, ce qui vous permet de jouer avec des notes qui se fondent les unes dans les autres. » À mesure qu’il analyse, il devient frappant à quel point il ressemble aux musiciens à cordes décrivant une brève opportunité de passer d’un instrument récent à un ancien de Crémone, comme un Stradivarius. « Ce sentiment où l’on peut ressentir une personnalité dans l’instrument… », réfléchit-il. « Quelque chose qui semble mystérieux ; qui donne envie de s’y plonger davantage, et qui, ensuite, vous laisse avec des sons dans l’esprit que vous essayez de recréer sur d’autres pianos. »
Revenir à cette combinaison mystérieuse et magique de piano et de salle pour son dernier album consacré à Brahms a cependant nécessité d’accepter des conditions environnantes loin d’être idéales. Pour commencer, alors que Kantorow enregistre habituellement au terme d’un projet de performance, le concert des Sommets Musicaux de Gstaad – sa dernière chance de jouer le programme avant l’enregistrement – sera seulement la troisième fois qu’il l’exécutera en public. De plus, les séances d’enregistrement auront lieu de nuit.
« Oui, disons que cela a commencé de manière très pragmatique », rit-il, en voyant que mon expression suggère que ces conditions ne sont pas des plus simples. « Je n’avais pas eu beaucoup de temps pour construire ce programme, et je devais faire une grande tournée avec en mars, à ce moment-là je voulais être très clair sur ce que je voulais dans la musique. Alors, sachant que l’enregistrement est l’un des meilleurs moyens de consolider votre manière de jouer, je me suis dit qu’il était vraiment important d’essayer quelque chose de nouveau et de l’enregistrer avant. Et ensuite, la salle n’était pas disponible, donc la seule solution logique que j’ai trouvée était de demander si elle était libre pendant les nuits, et ils ont dit oui ! » Pourtant, cet après-midi de février enneigé, Kantorow ne semble ni inquiet ni accablé, mais simplement curieux de voir comment il trouvera le fait de traiter un enregistrement comme une partie du processus interprétatif. « Jouer la nuit a toujours une sensation spéciale », souligne-t-il. « Cette impression d’être la seule personne active dans une ville endormie. Je ne sais pas comment cela se traduira en enregistrement, car pour les séances il faut de l’inspiration, beaucoup d’énergie et de volonté pour continuer. Mais dans les jours précédant, je vais me préparer physiquement en essayant de ne pas dormir la nuit, et plutôt plus pendant la journée. » En outre, il a prévu une petite sécurité : un retour à la Société de Musique pour jouer le récital en concert – avec l’opportunité d’enregistrer la répétition de ce jour-là, et même d’entendre si son interprétation a beaucoup changé au fil des concerts entre-temps. »
L’opus 103 de Fauré est conçu entre 1909 et 1910, quelques mois à peine avant que Debussy se penche lui aussi sur un premier livre de préludes pour piano. Alors que, chez Debussy, ces pièces évoquent explicitement des inspirations extramusicales, les Préludes de Fauré – dépouillés de sous-titres et caractérisés uniquement par leurs différentes tonalités – semblent plutôt dépeindre des climats, changeants de numéro en numéro : intimité et méditation ; inquiétude et mystère ; sévérité ; sérénité pastorale ; etc. On rappelle généralement qu’au cours de la conception de ces préludes, Fauré travaille également à la composition de Pénélope. D’une part, tel le journal intime de l’auteur travaillant à un roman aux visées universelles, ces pièces introspectives semblent offrir au compositeur un soutien nécessaire pour s’ouvrir au genre populaire de l’opéra. D’autre part, on trouve ça et là quelques similitudes entre les pages pianistiques et l’ouvrage lyrique créé en 1913 à l’Opéra de Monte-Carlo (notamment au cours du 5e prélude). Il faut cependant également rappeler, avec Jacques Bonnaure, que la genèse de l’opus 103 est intimement liée à la création de la Société musicale indépendante (fin 1909) et que la première audition de l’ouvrage, sous les doigts de Marguerite Long, a lieu en son sein. Coup de semonce dans le paysage avant-gardiste parisien, cette nouvelle entité – organisée par Ravel, Koechlin et Schmitt, qui en offrent la présidence à Fauré – tourne le dos à la Société nationale de musique (dirigée par Vincent d’Indy) pour faire la promotion d’une nouvelle génération musicale. (Bru Zane Mediabase)
Sous les doigts de Lucas Debargue le 21 janvier 2025 et en CD qu’il signera à l’issue de son récital
Pendant de nombreuses années, Lucas Debargue a été fasciné par ce qu’il décrit comme la « douce mélancolie et la raffinement harmonique » de la musique pour piano de Fauré. Bien qu’il ait joué les premières œuvres du compositeur français, il avait évité les Bagatelles, les Nocturnes et les Préludes. Le déclic est survenu lorsqu’il a découvert les Neuf Préludes op. 103. Ces chefs-d’œuvre insaisissables, composés entre 1910 et 1911, « révèlent l’originalité profonde et la maîtrise » de Fauré, selon Debargue. Ils couvrent, ajoute le pianiste, « une large gamme émotionnelle, allant de la contemplation sereine à une angoisse extrême ».
Pour son nouvel enregistrement, Debargue a étudié l’ensemble de l’œuvre pour piano de Fauré en profondeur. À travers 4 CDs, il retrace « le cheminement du compositeur, depuis ses premières œuvres pour piano jusqu’à sa dernière contribution à ce médium ». L’enregistrement de ces œuvres, confie-t-il, a « transformé ma vie, tant en tant qu’homme qu’en tant que musicien ». Debargue est fermement convaincu que la musique pour piano de Fauré mérite un timbre instrumental tout à fait particulier. Avec le piano « Opus 102 », conçu et fabriqué par Stephen Paulello, un facteur de pianos basé en Bourgogne, il a trouvé l’instrument idéal. Ce piano tire son nom de son registre élargi de 102 touches, couvrant huit octaves et une quarte supplémentaire. Il s’agit d’un piano barless, sans cadre métallique au-dessus des cordes résonantes, permettant une résonance complète de chaque corde et donc de chaque note. Les cordes parallèles et les fils plaqués nickel contribuent également à produire un timbre pianistique singulier.
Ce que le pianiste décrit comme la « clarté idéale » de l’instrument l’a conduit à conclure que ce piano serait celui de ses enregistrements de Fauré. Parmi ses qualités, il souligne la capacité à moduler immédiatement le son, « passant d’un timbre velouté à un son plus acidulé ».
Nos meilleurs vœux pour la nouvelle année et… une kyrielle de bon concerts!
L’année 2025 débute avec le récital d’un jeune pianiste français, nouvelle star des scènes internationales, que nous n’avions pas encore eu le bonheur de recevoir à La Chaux-de-Fonds. Ce sera chose faite le 21 janvier à 19h30!
« Depuis le passage de Glenn Gould à Moscou et la victoire de Van Cliburn au Concours Tchaïkovski en pleine guerre froide, un pianiste étranger n’avait jamais suscité pareille effervescence. » Olivier Bellamy, Le HUFFINGTON POST
Lucas Debargue, révélé en 2015 lors du 15e Concours International Tchaïkovski, est aujourd’hui l’un des pianistes les plus demandés au monde. Seul candidat distingué par le Prix de l’Association de la Critique Musicale de Moscou, il est reconnu pour son talent unique et sa liberté créative. Depuis ses débuts marqués par la découverte de la musique à 10 ans et une rencontre décisive avec Rena Shereshevskaya (Alexandre Kantorow) en 2011, il s’est produit dans les plus grandes salles internationales, de Moscou à New York, en passant par Paris, Vienne, Tokyo et Shanghai.
Artiste au répertoire éclectique, il fait redécouvrir des compositeurs comme Szymanowski, Medtner ou Magin, tout en revisitant les classiques avec une énergie communicative et des influences variées issues de la littérature, de la peinture et du jazz. Sa collaboration avec Gidon Kremer et la Kremerata Baltica a donné naissance à des projets tels que son Concertino en 2017 ou un opéra en 2020. Parallèlement, il consacre une part importante de son temps à la composition, comptant déjà une vingtaine de pièces pour piano et musique de chambre.
Avec Sony Classical, il a enregistré cinq albums salués par la critique, dont Scarlatti : 52 Sonatas et un hommage à Miłosz Magin, montrant son attachement à un répertoire méconnu. Sa carrière est également immortalisée dans le documentaire « Lucas Debargue – Tout à la musique », retraçant son parcours au lendemain du Concours Tchaïkovski. Son récent CD paru chez Sony Classical et consacré à l’intégrale de l’œuvre pour piano de Fauré a obtenu de nombreuses distinctions et fait l’unanimité de la critique. Lucas Debargue signera ses disques à l’issue du concert.
Au sujet de son programme:
MARDI 21 JANVIER 2025, 19H30 SALLE DE MUSIQUE
LUCAS DEBARGUE piano
GABRIEL FAURÉ 1845-1924 9 Préludes op. 103
LUDWIG VAN BEETHOVEN 1770-1827 Sonate pour piano n° 27 en mi mineur op. 90
FRÉDÉRIC CHOPIN 1810-1849 Scherzo n° 4 en mi majeur op. 54
GABRIEL FAURÉ Thème et Variations en do dièse mineur op. 73
LUDWIG VAN BEETHOVEN Sonate n° 14 en do dièse mineur op. 27 n° 2 « Sonate au Clair de Lune »
FRÉDÉRIC CHOPIN Ballade n° 3 en la bémol majeur op. 47
Trois compositeurs d’une grande importance dans l’évolution de la musique pour piano sont à l’affiche de ce concert. De Beethoven, nous entendrons la célébrissime sonate quasi una fantasia, affublée du nom de Clair de lune, ainsi que la moins connue Sonate en mi mineur. Deux œuvres de Chopin très contrastées ainsi que des morceaux de Fauré nous permettront de plonger dans des styles très différents. Notons que le cycle des 9 Préludes de Fauré sera joué en entier, selon le désir du compositeur.
Ce concert a lieu à la Salle de musique, Av Léopold Robert 27, 2300 La Chaux-de-Fonds Ce concert se fera avec entracte.
La musique de Johann Sebastian Bach fait partie de notre mémoire collective. Pourtant, le concert annuel d’orgue de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds suscite un vif intérêt avec un programme pour orgue et piano.
Jean-Luc Thellin et Sara Gerber présenteront trois concertos de Bach dans une adaptation originale qui mixe l’orgue et le piano, deux instruments de facture et de sonorité très différentes dans l’acoustique emblématique de la Salle de musique.
Les concertos de Bach
Ces concertos nous ramènent au début de l’histoire du concerto pour soliste, et en particulier du concerto pour clavier. Les instruments à clavier (orgue, clavecin, clavicorde, etc.) ont accompagné Bach tout au long de sa vie.
Pendant longtemps, les spécialistes de Bach ont schématiquement attribué la majeure partie de sa musique de chambre et d’ensemble aux années Köthen (1717-1723). Toutefois, des études récentes montrent que la plus grande partie de la musique instrumentale d’ensemble a été composée à Leipzig.
La période de Leipzig
Le 22 mai 1723, Bach s’installe à Leipzig pour occuper le poste de cantor de la Thomasschule (École Saint-Thomas) conjointement à celui de Director Musices de la ville. En 1729, il prend également la direction du Collegium Musicum, ce qui lui permet de donner des concerts avec de nombreux musiciens de qualité, dont ses fils.
Plusieurs concertos naissent à partir de l’année 1730, pendant la période de Leipzig :
Les sept concertos pour un seul clavecin (BWV 1052-1058).
Trois concertos pour deux clavecins (BWV 1060-1062).
Deux concertos pour trois clavecins (BWV 1063 et 1064).
Un concerto pour quatre clavecins (BWV 1065).
Caractéristiques des concertos
En connaissant le goût de Bach pour la forme concertante et pour la symbolique trinitaire, chaque concerto est construit en trois mouvements (deux mouvements vifs encadrant un mouvement lent).
Exemple : Le Concerto en do mineur, BWV 1060
Composé probablement en 1736, ce concerto pour deux clavecins avec l’accompagnement des cordes en trois mouvements : Allegro (do mineur), Adagio (mi bémol majeur) et Allegro (do mineur).
Le mélange de l’orgue et du piano donnera une sonorité intéressante à ce répertoire de concerto pour instrument(s) soliste(s) avec accompagnement. Comme le dit Glenn Gould (1932-1982), le piano est « le seul instrument, à part l’orgue, qui permette de simuler plus au moins un orchestre ». (Source: d’après les commentaies de Dr. Veneziela Naydenova)
Vous trouverez le programme détaillé du concert du 5 janvieer 2025 sous la rubrique Documentation
Domenico Scarlatti (né en 1685), qui formait avec Bach et Haendel un grand triumvirat de compositeurs, s’avoua vaincu à l’orgue par Hændel, lors d’un concours d’interprétation organisé à Rome, à la fin de l’année 1708, tandis que le comte de Shaftesbury se souvint d’un événement survenu au cours des voyages de Hændel à travers l’Europe: «Dans une des grandes villes des Flandres, où il avait demandé la permission de jouer, l’organiste l’assista, ne sachant pas qui il était, et sembla frappé par le jeu de Mr Handell dès que celui-ci commença; mais lorsqu’il entendit Mr Handell entamer une fugue, il fut stupéfait, courut vers lui et, l’embrassant, dit: ‹Vous ne pouvez être que le grand Handell›.»
Cette réputation d’organiste virtuose éblouissant, sa double fonction de compositeur et d’impresario, ainsi que la présence d’un orchestre inoccupé entre les actes des oratorios conduisirent Hændel à concevoir le genre du concerto pour orgue.
Les possibilités de dialogue enjoué entre l’orgue et l’orchestre (illustrées par le deuxième mouvement de l’op.4 no2), mais aussi le fait que Hændel pouvait laisser libre cours à son imagination pour improviser d’extravagants passages solos, impliquèrent que le concerto pour orgue attira souvent le public davantage que l’oratorio lui-même. Lorsqu’il souhaitait relancer un oratorio en perte de popularité, Hændel s’assurait que le concerto pour orgue accompagnateur figurait particulièrement bien en vue sur les affiches.
Travaillant sous une pression extrême – il composait et répétait les oratorios, mais gérait aussi toute la saison –, Hændel comptait énormément sur ses talents d’improvisateur pour les concertos. Parfois, il donnait à l’orchestre un vieux morceau à jouer, qu’il embellissait au fur et à mesure à l’orgue ; de même, il laissait des mouvements entiers à improviser le moment venu. Vers la fin de sa vie, sa vue se détériora rapidement et il se reposa plus que jamais sur ses talents d’improvisateur, dictant généralement une esquisse des plus ténues à son copiste John Christopher Smith junior (dont le père, Johann Christoph Schmidt, avait quitté l’Allemagne pour suivre Haendel en Angleterre, au tout début du XVIIIe siècle).
Les instruments anglais pour lesquels Hændel écrivit ses concertos pour orgue, et dont il fut un zélateur si remarquable, étaient en réalité très différents des somptueux orgues allemands pour lesquels Bach composait alors ses grands Préludes, Toccatas et Fugues. L’orgue anglais, beaucoup plus petit, comprenait généralement un seul clavier (ou manuel), disposait de moins de jeux – il n’avait ni anches flamboyantes, ni mixtures étincelantes (jeux qui actionnent plusieurs tuyaux accordés différemment pour une seule note) –, et produisait un son nettement plus doux et mélodieux. Autant de caractéristiques qui le rendaient, en fait, idéal pour accompagner un chœur ou se marier à un orchestre, dans des rôles d’ensemble et de soliste – ce qui explique sans doute pourquoi le concerto pour orgue du XVIIIe siècle fut un genre exclusivement anglais. Les orgues anglais étaient dépourvus du pédalier complet et indépendant qui faisait partie intégrante de leurs équivalents allemands. De très rares instruments plus volumineux se targuèrent de quelques «pull-downs» – des registres du manuel joués par les pieds –, mais ils n’eurent jamais vraiment de succès. Le jour où un pédalier fut ajouté à l’orgue de St Paul’s Cathedral, en 1721, il se révéla si impopulaire qu’il tomba rapidement en désuétude.
Vers 1739, Hændel commença à placer des signes dynamiques dans les parties d’orgue de ses concertos (telle l’alternance rapide de forte et de piano pour créer des effets d’écho dans le deuxième mouvement de l’op.7 no4), et donc à écrire pour un orgue à deux manuels. Il est également manifeste qu’un pédalier dotait l’orgue de Lincoln’s Inn Fields en 1740, car Haendel spécifie l’usage des pédales dans l’op.7 no1. (Il ne répéta d’ailleurs jamais cette expérience, les pédales n’étant utilisées dans aucun autre concerto.) De même, Hændel ne donne qu’une seule fois (deuxième mouvement de l’op.4 no4) des instructions détaillées quant aux jeux que l’organiste devrait employer: principal 8′, bourdon 8′ et jeu de flûte (une sonorité fidèlement rendue ici mais indisponible sur la plupart des petits orgues de chambre).
Peu d’orgues anglais de l’époque hændelienne survivent aujourd’hui dans leur forme originelle. Toutefois, nous pouvons faire remonter l’histoire de l’orgue de St Lawrence, Whitchurch, à la lisière du domaine de Canons, au nord de Londres, à l’instrument que Gerard Smith construisit pour cette église du temps où Hændel était au service du duc de Chandos, lequel résidait au moins une partie de l’année à Canons.
Le premier corpus de six concertos pour orgue, appelé op.4, fut publié à Londres par John Walsh, le 4 octobre 1738.
L’op.4 nol en sol mineur fut joué pour la première fois lors de la première d’Alexander’s Feast, à Covent Garden, le 19 février 1736. (Source: extraits de Hyperion)
🎶 Concert du Nouvel-An ! 🎶 📅 Dimanche 5 janvier, 17h 📍 Salle de Musique, La Chaux-de-Fonds
🎹 JEAN-LUC THELLIN orgue 🎹 SARA GERBER piano
🎼JOHANN SEBASTIAN BACH 1685-1750 Concerto en ut mineur BWV 1060 Concerto en ut mineur BWV 1062 Concerto en ut majeur BWV 1061
🎼GEORG FRIEDRICH HAENDEL 1685-1759 Concerto en sol mineur op.4 no. 1 HWV 289
🕓 Introduction par François Lilienfeld à 16h15
🌟Le concert annuel d’orgue est un rendez-vous traditionnel avec entrée libre de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds dont la vocation est, d’une part, de mettre en valeur le magnifique instrument qu’est le grand orgue de la Salle de musique et, d’autre part, d’offrir un concert à notre cher public. Passez la porte et vous découvrirez un monde nouveau.
🌟Nous vous proposons un programme très original mariant orgue et piano pour l’interprétation des trois concertos que J.S. Bach a composés pour deux claviers. Jean-Luc Thellin, brillant concertiste international, ancien organiste titulaire de la Cathédrale de Chartres et nouveau titulaire du grand orgue de la Salle de musique, et Sara Gerber, pianiste et organiste de l’Église du Pasquart, mais que l’on entendra au piano pour cette occasion, nous feront découvrir ces magnifiques concertos sous un tout nouveau jour. Un programme Bach en ut, mineur et majeur, enrichi par une transcription pour piano.
🌟Le Concerto en ré, prévu initialement (4 concerti), est remplacé par le Concerto op. 4 no. 1 de Haendel. Le premier corpus de six concertos pour orgue, appelé op.4, fut publié à Londres par John Walsh, le 4 octobre 1738. L’op.4 nol en sol mineur fut joué pour la première fois lors de la première d’Alexander’s Feast, à Covent Garden, le 19 février 1736.