Venez fêter Noël avant l’heure avec le Mendelssohn Kammerorchester Leipzig le dimanche 17 décembre à 17h à la Salle de Musique.

 

C’est à un grand concert avec le Mendelssohn Kammerorchester Leipzig que nous vous convions le 17 décembre à la Salle de musique. Au programme notamment le cantor de Leipzig, Jean-Sébastien Bach. La Cantate « Jauchzet Gott in allen Landen », une oeuvre qui fait par ailleurs également la part belle à la trompette, sera interprétée par la soprano allemande Dorothee Mields, concertiste, soliste et pédagogue de haut rang qui s’est prêtée pour nous au jeu de l’interview. Dorothee Mields interprétera aussi Johann Rosenmüller, un compositeur injustement peu connu, que le destin empêcha, de manière cruelle, de devenir le prédécesseur de Bach à Leipzig. Le Concerto Brandebourgeois n° 2 de Bach, pièce diaboliquement difficile en particulier pour la trompette sera l’occasion pour Reinhold Friedrich, instrumentiste virtuose et référence mondiale, de démontrer toute l’étendue de son talent. Vous pourrez découvrir une interview du maestro dans L’Express et L’Impartial du vendredi 15 décembre !

Dimanche 17 décembre à 17h : concert à la Salle de musique

Découvrez Reinhold Friedrich en bonne compagnie dans le Concerto Brandebourgeois n°2 de Bach

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lundi 18 décembre de 8h30 à 12h30 : cours d’interprétation public par Reinhold Friedrich
Salle Faller du Conservatoire de musique neuchâtelois – site de La Chaux-de-Fonds
Entrée libre

A quelques jours d’une prestation attendue sur la scène de la Salle de musique, découvrez l’interview généreuse de la soprano Dorothee Mields.

La soprano allemande Dorothee Mields appartient à cette lignée de très grands interprètes restés proche du monde et de son public. Guidée par un amour profond de la musique, par un intense respect de la vie, de la nature et de tout ce qui fait leur beauté, elle s’est livrée à la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds de manière généreuse et intime, interview :

Vous allez chanter à La Chaux-de-Fonds la Cantate BWV 51 de Bach. Vous avez enregistré une grande partie des Cantates du Cantor de Leipzig en compagnie des plus grands chefs, tels que Ton Koopmann, Frans Brüggen ou encore Philippe Herreweghe pour ne citer qu’eux. Cette passion pour un tel compositeur et un tel chef d’œuvres coule-t-elle de source?

D’une certaine manière oui. Pourtant, ça n’a pas été l’amour au premier regard. A six ans, je jouais du violon et je dois dire que j’ai eu un formidable professeur qui m’a énormément apportée. Toutefois ce professeur d’origine russe et américaine était plutôt passionné de classicisme. Bach n’avait pas vraiment sa place. Lorsque j’étais enfant et adolescente, je le trouvais ennuyeux. Puis il y a eu deux événements qui se sont produits dans les années 80, qui ont été comme une révélation pour moi, car j’ai pu découvrir l’exécution de la musique de Bach sur instruments d’époque. Avec mon premier argent gagné, j’ai acheté mon premier lecteur de CD. Un département discographique a été aménagé dans les années 80 à la bibliothèque municipale de Gelsenkirchen où j’ai grandi. Il était toujours pris d’assaut et il restait souvent 2 ou 3 CD dont ceux de Bach. Et ce fut une grande chance finalement, car cela m’a permis de découvrir de la musique que je n’aurais probablement pas découverte autrement. A l’époque, j’étais fan de Puccini et de Tchaïkovski. J’ai écouté un CD de Philippe Herreweghe avec la Cantate BWV 21 de Bach (Ich hatte viel Bekümmernis – J’avais grande affliction en mon cœur) et la manière dont cette œuvre était interprétée m’a complètement renversée. J’ai eu une révélation. Ce fut le coup de foudre au deuxième regard. Le 2e événement fut un concert avec Ton Koopman et le ABO à Stuttgart lors d’un festival. C’était la première fois que je les voyais sur scène, je crois que c’était en 1986. Nous avions créé un ensemble et j’étais complètement habitée par la musique baroque et j’ai su que c’était ce que je voulais faire. C’était clair dans mon esprit. Je savais que je voulais devenir chanteuse, mais je m’étais d’abord persuadée devenir une chanteuse dramatique d’opéra italien (rires), puis j’ai su que ce serait la musique baroque. J’étais transportée par la clarté des cordes – les orchestres modernes le font aussi aujourd’hui – mais à l’époque c’était une toute autre manière de jouer. J’écoutais en boucle les enregistrements de Herreweghe. Pour moi c’était donc un rêve absolu devenu réalité lorsque j’ai pu faire de la musique avec lui. Cela l’est toujours.

Vous chanterez aussi dimanche une œuvre de Johann Rosenmüller qui faillit devenir le prédécesseur de Bach à Leipzig, s’il n’avait été emprisonné semble-t-il pour homosexualité! Quel regard portez-vous sur ce compositeur et sur sa destinée?

La musique créée par des musiciens ou des compositeurs en souffrance est souvent exceptionnelle. La musique guérit les maux, c’est particulièrement flagrant avec ce type de compositeurs ayant vécu la souffrance. Je viens de lire un livre intéressant d’une scientifique spécialiste du traumatisme, Luise Reddemann (Überlebenskunst, se basant surtout sur la musique de Bach). Bach a vécu un traumatisme, il a perdu beaucoup d’enfants et la mort était tout autour de lui. Il y a un lien avec sa musique. Quand on fait de la musique alors qu’on vit une situation dramatique, cette musique peut procurer du réconfort et ce sentiment se transmet aux autres. Je sens très fort cela chez Rosenmüller. Le texte de l’œuvre que je vais chanter est très puissant. On entrevoit le paradis et on désire être réuni avec Christ, mourir pour revivre ensuite. Nous n’avons pas la même conception des choses aujourd’hui, à l’époque la mort était très présente. Il fallait s’accommoder d’elle, la traiter comme une amie, sinon vivre aurait été insupportable. La cantate de Rosenmüller est d’une grande beauté malgré son texte sinistre. Heureusement il est en latin, on ne le comprend pas forcément (rires). Lorsque j’interprète une œuvre dont le texte ne me correspond pas, j’imagine des sous-titres qui me parlent et qui restent fidèles, je crois, à ce que le compositeur a voulu dire.

A vos côtés, dans les deux œuvres dont nous venons de parler, Reinhold Friedrich tiendra la partie de trompette. Quel est votre regard sur ce musicien d’exception?

Nous nous sommes rencontrés il y a deux ans à la Semaine Bach d’Ansbach où nous avons interprété le même programme. Nous nous sommes très bien entendus sur le plan personnel et musical. Ce fut un vrai feu d’artifice musical, parce que nous avons tous deux une envie inextinguible en nous de faire de la musique. C’est quelque chose d’inspirant et de communicatif sur scène. C’est aussi quelqu’un de très jovial. Je le suis aussi. Nous nous complétons avec nos différences aussi. Je me réjouis beaucoup de le retrouver en concert dimanche.

Vous avez enregistré un disque intitulé «Birds» avec le chef Stefan Temmingh avec qui vous partirez d’ailleurs en tournée en Chine au printemps prochain. Vous semblez très sensible aux oiseaux?

Je ne sais pas d’où cela vient, mais je trouve les oiseaux magnifiques. J’en ai devant ma fenêtre, je les nourris et ils sont si dociles, qu’ils rentrent chez moi. Il y a par exemple un rouge-gorge qui me rend visite. Lors d’une tournée où j’étais donc absente de chez moi, mon mari a oublié de déposer de la nourriture devant la fenêtre. Le rouge-gorge est rentré par la fenêtre qui était basculée et il m’a cherchée. Mon mari m’a dit qu’il connaissait si bien les lieux que ce ne devait pas être la première fois qu’il rentrait pour voir si j’y étais (rires). Il est allé explorer les étagères, la cuisine, etc. J’ai déjà eu une mésange dans la maison. Elle s’est réfugiée chez moi à cause de la tempête. Elle a passé la nuit chez moi. Les oiseaux recherchent inlassablement de la nourriture, car ils ont un métabolisme très rapide. Ils sont donc toujours très occupés. C’est quelque chose qui me parle. Voyager tel un albatros. Cette faculté naturelle qu’ils ont à créer des sons. Cela me touche énormément. Le travail qu’ils font au printemps… Cette manière simple et naturelle de vivre me convient. Cela me rappelle le Quatuor pour la fin du temps de Messiaen. La première fois que je l’ai entendu, j’ai pleuré. Messiaen était prisonnier dans un camp quand il l’a écrit. Le chant des oiseaux symbolisant la liberté, cette beauté de la nature, me touche. Dans les airs baroques sur les oiseaux, il y a cette liberté et cette mélancolie de la beauté de la nature. Mais aussi l’idée que Dieu est présent dans toute cette beauté. Tous ces sujets me touchent personnellement. Moi-même, quand je suis fatiguée et que j’ai besoin de me régénérer, je vais dans la nature pour regagner de la vitalité et de l’énergie. Être dans la forêt et voir des oiseaux. Je me sens tout de suite mieux. J’ajouterais encore au sujet de Stefan Temmingh et de Reinhold Friedrich, qu’ils partagent une incroyable virtuosité sur leurs instruments. Ils ont une très grande personnalité musicale.

Vous chanterez dimanche dans le cadre de la 125e saison de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds! Une des caractéristiques que soulignent bon nombre de musiciens invités ici est la convivialité et l’accueil chaleureux. Est-ce une qualité pour vous?

(Rires) La convivialité est la plus belle chose au monde, indépendamment de la musique. Madame Giesselmann, mon agent, a déjà été à La Chaux-de-Fonds, et elle n’est que louange. Elle m’a dit «tu verras, tu vas tellement t’y plaire». Il y a toujours deux côtés, le premier c’est de me réjouir d’un concert et de tout donner pour le public, le deuxième c’est de me retirer et de rester sans parler pendant une journée. C’était le cas hier, lundi. J’ai eu un concert dimanche à Berlin avec mon programme Monteverdi. Hier j’ai pris pris le train pour Leipzig. J’avais la journée de libre et cela m’a permis de décompresser, de rester dans ma chambre puis d’aller me promener et d’éviter les autres. Aujourd’hui débutent les répétitions pour mon prochain concert. Là je me réjouis énormément de venir à La Chaux-de-Fonds.

Vous êtes passablement active sur les réseaux sociaux. Que représente cet outil à vos yeux dans une grande carrière telle que la vôtre?

Pour moi, ce n’est pas quelque chose dont j’ai besoin pour ma carrière. C’est une forme d’expression. J’ai commencé ma page Facebook pour rester connectée avec mes collègues de musique ancienne. Nous ne sommes pas très nombreux et nous sommes répartis dans le monde entier. J’ai commencé cette communication avec les réseaux sociaux avec ma maman qui est décédée en 2012. Mes parents se sont beaucoup occupés de ma fille, qui a 24 ans aujourd’hui, quand elle était petite. Cela m’a permis de poursuivre ma carrière de chanteuse. Mon père est parti à la retraite quand ma fille est née. Ils m’ont toujours accompagnée. D’abord comme baby-sitters, ils ont joué un rôle central dans la vie de ma fille. Ils étaient tous du voyage. Ma maman faisait des gâteaux pour l’orchestre. Lorsque mes parents n’ont plus été en mesure de m’accompagner, ma fille avait alors 12 ans, ils sont d’abord retournés à Gelsenkirchen. J’ai dû m’occuper de mes parents malades. Ma maman ne pouvait plus marcher. Et tout à coup pour ma maman, Facebook est devenu un moyen de rester en contact avec le monde extérieur. J’avais tous ces amis de l’orchestre sur Facebook. Elle les connaissait. C’était une joie immense pour elle d’avoir des nouvelles d’eux. De savoir que l’un deux s’était acheté un nouveau camping-car. De lire et de suivre les commentaires. C’était précieux pour quelqu’un qui ne pouvait plus sortir. J’étais contente de ce lien. Cela permet de garder un contact avec les autres, mais cela risque aussi de remplacer le contact avec les autres. Il faut être très prudent et faire preuve de discipline avec cela pour faire la distinction. Ma page est devenue une fan-page. J’ai tellement d’amis que j’ai perdu le fil. Il y a des gens que je ne connais pas personnellement. Mais c’est important pour moi de rester accessible, de ne pas être cette chanteuse sur scène qui est distante avec le public. Je voudrais être davantage. Si je veux toucher le cœur des gens, il faut que je révèle et que j’offre davantage de ma personnalité. En contrepartie, les gens m’ouvrent leur cœur et c’est magnifique de vivre cela sur scène. Il m’est déjà arrivé de partager une expérience très personnelle avec les personnes qui sont abonnées à ma page et d’avoir beaucoup de réactions positives et de nouvelles inscriptions privées. Avec ce genre de page, on se crée une bulle de filtre sociétal, où l’on peut partager des choses personnelles avec les autres. C’est un avantage. Mais l’inconvénient est qu’on reste dans une sorte de monde idéal. Il y a beaucoup de discussions en ce moment en Allemagne au sujet de la radicalisation. Il y a même un outil terrible qui permet de vérifier si on a parmi ses amis Facebook des sympathisants du parti populiste de droite en Allemagne. Super si on n’en a pas, mais est-ce que cela représente vraiment la réalité? Avoir une page Facebook n’est pas très important, mais les gens sont importants.

Vous avez consacré votre dernier enregistrement à Monteverdi, en compagnie de l’orchestre baroque berlinois Lautten Compagney. Quel regard portez-vous sur cet ensemble de grande réputation?

Nous partageons 20 ans d’histoire commune. Nous venons de donner un concert La dolce vita avec le programme Monteverdi à Berlin dimanche 10 décembre (avec le CD qui vient de paraître). En 20 ans, beaucoup de choses évoluent, à commencer par la collaboration musicale. Nous nous connaissons si bien Wolfgang (Katschner) et moi, nos qualités et nos défauts, comme un vieux couple. Mais cela va de pair quand on fait de la musique de manière très intensive. C’est ce qui nous unit tous, car chacun dans cet orchestre vit sa passion pour la musique avec toutes les fibres de son corps. Nous ne faisons pas cela pour devenir célèbres et gagner beaucoup d’argent, mais parce que nous voulons faire de la musique tout simplement. Cet ensemble fonctionne de manière démocratique, il faut donc plus de temps pour trouver un consensus, mais le résultat est d’une très grande profondeur. Ce qui me surprend et me touche à chaque fois. Avec le CD La dolce vita – Monteverdi, nous avons beaucoup expérimenté. C’est que Monteverdi n’a pas écrit beaucoup d’airs, nous avons donc dû nous creuser la tête. Je ne fais pas beaucoup d’opéras. Ce n’est pas quelque chose qui ne me séduit pas, mais je préfère la version concertante de l’opéra. Je n’ai pas besoin de marcher de long en large sur une scène. Je préfère me concentrer sur l’interprétation du texte et la couleur des mots. C’est ce qui nous lie avec l’orchestre, car Wolfgang a lui aussi une obsession du mot. Nous avons donc pris des madrigaux, comme cela se fait dans la musique anglaise. Ils ne sont pas exécutés comme ils l’auraient été en Italie. Je chante une voix et les autres voix sont interprétées par des instruments. Si ces instruments ont un caractère chantant, on ne remarque plus qu’il n’y a pas de voix humaine. Il y a des madrigaux qui sont entièrement joués par des instruments. Et cela fonctionne. On comprend le texte. Leur exécution est si vivante.

Le piano est à l’honneur avec le Duo Ariadita, dimanche 3 décembre à la Salle Faller

C’est au piano qu’est consacré le concert du 3 décembre et en particulier au piano à quatre mains. Ensemble ensorcelant formé des deux charmantes pianistes Ariane Haering et Ardita Statovci, le Duo Ariadita a donné son premier concert à La Chaux-de-Fonds il y a deux ans. Alexander Müllenbach, pianiste, compositeur et chef d’orchestre, sera parmi le public dimanche. Sur commande du Festival “Aspekte” de Salzbourg, il a écrit ses “Paysages imaginaires” pour le Duo Ariadita, au programme du concert de dimanche.

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Dimanche 3 décembre à 17h, Salle Faller, La Chaux-de-Fonds
Introduction à 16h15 par François Lilienfeld.
Le concert sera suivi d’une verrée en présence des artistes.

 

Interview de Vincent Coq, pianiste du Trio Wanderer, en exclusivité pour la Société de Musique

Depuis 2010, Vincent Coq (à gauche sur la photo) est professeur de musique de chambre à la Haute École de Musique de Lausanne.

Préambule

Le concert du Trio Wanderer à La Chaux-de-Fonds le 26 novembre a une signification symbolique en cette 125e saison de la Société de Musique. En effet, c’est avec le concert du Trio Wanderer, donné le 14 mars 2010, que nous annoncions la fusion des Heures de Musique et de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds. A l’époque, le Trio Wanderer avait donné le programme suivant : Antonin Dvořák, Trio op. 90 «Dumky»,
Franz Liszt, Tristia (transcription de la Vallée d’Obermann) et Bedrich Smetana, Trio op. 15. Le Trio Wanderer a un lien fort avec La Chaux-de-Fonds car il est souvent venu que ce soit pour des concerts comme invité de la Société de Musique ou pour des enregistrements à la Salle de musique.

Dans la plaquette du 75e anniversaire, Yehudi Menuhin rendait hommage au peuple franc-montagnard et saluait le respect des traditions qui lui sont chères, traditions qui se perdent dans les grands centres. La Société de Musique est connue depuis 125 ans pour son accueil. Vous êtes venus à plusieurs reprises en concert, invité par la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds. Que pensez-vous de la Société de Musique d’une part et de la Salle de musique d’autre part ?

La Société de Musique fait partie de ces grandes sociétés ou associations historiques, typiques en Europe, comme on en trouve encore en Allemagne mais hélas beaucoup moins en France aujourd’hui (au profit des structures étatiques beaucoup moins performantes). Elle font vivre la musique de chambre depuis des décennies voire un siècle et, contrairement aux organisateurs de concerts ou de festivals, marchent souvent avec des abonnements. Elles ont une connaissance du répertoire et une écoute en profondeur de la musique. Il y a donc une continuité dans leur travail. La Salle de musique est bien sûr très connue, mythique en Europe, avec son acoustique exceptionnelle, où énormément de grands artistes comme Claudio Arrau ont enregistré des albums. Nous y avons enregistré quatre ou cinq disques pour Harmonia Mundi. Nous avions connu M. Houriet, ancien président de la Société de Musique, quand nous étions plus jeunes. Une personnalité. Mais nous apprécions beaucoup la nouvelle structure et le renouveau qu’elle a su apporter. Ce qui est important avec ce genre de sociétés c’est le renouvellement du public. On ne peut pas se reposer sur ses lauriers et garder le fonctionnement qu’on avait au 19e siècle. Les médias et les moyens de communication changent. Depuis la nouvelle organisation, la Société de Musique a pris un coup de jeune, ce qui est très important. Nous aimons ce type de sociétés, car elles créent une base musicale importante en Europe et ce depuis fort longtemps. Le public est fidèle et cultivé. Nous savons tout le travail que fait la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds. Elle a une vraie identité, donc une âme. C’est très important. Et puis les deux pianos de la Salle de musique appartiennent à la Société de Musique et je me souviens avoir enregistré sur le piano d’Arrau (NB: le piano sur lequel jouait Claudio Arrau au début des années 60 et le piano inauguré par Grigory Sokolov en 2009 appartiennent à la Société de Musique et sont toujours utilisés aujourd’hui).

Le dimanche 26 novembre, vous allez interpréter notamment le Trio n° 1 en si majeur op. 8 de Brahms dans sa version de 1854, que le compositeur a écrite alors qu’il n’avait que 21 ans. Le compositeur a retravaillé cette œuvre 20 ans plus tard. Vous avez enregistré ces deux versions, notamment à la Salle de musique. Qu’est-ce qui les différencie ?

Nous avons d’abord enregistré la dernière version. La première a été un peu oubliée au profit de la seconde. Celle-ci est la plus connue, c’est l’œuvre d’un maître à l’apogée de sa carrière, il y a donc une sorte de perfection. Cette première version est une œuvre romantique, moins structurée. Elle fourmille d’idées. Elle a ses qualités de ses défauts. Elle a été écrite à l’époque où Brahms était en rapport avec les Schumann. Brahms était amoureux de Clara, la femme de son ami et mentor Robert. On retrouve dans cette œuvre des allusions évidentes de cet amour transi qu’il avait pour Clara. Dans le dernier mouvement, il y a des citations (il y a en plusieurs) à «An die ferne Geliebte» (à la lointaine bien-aimée) de Beethoven, allusion directe à ses pensées pour Clara Schumann. C’est une œuvre pleine de passion, pleine de romantisme, avec de petits défauts au niveau la structure dus à un certain manque de maturité, mais c’est une œuvre formidable qui a été jouée durant toute la vie de Brahms. C’est à la demande de certains de ses amis que le compositeur a retravaillé la première version.

Vous fêtez vos 30 ans de carrière avec le Trio Wanderer en 2017. Quels en sont les moments forts ?

C’est très difficile de répondre à cette question. C’est plutôt une sorte de construction qui se fait peu à peu. Le moment fort c’est la rencontre, quand on a commencé à jouer ensemble. Les rencontres qu’on a faites lorsque nous étions étudiants, comme celle, extraordinaire avec le Quatuor Amadeus. On a eu la chance de travailler avec Norbert Brainin, c’était formidable. Ce sont des moments forts. Il y a les concerts. On a joué au Festival de Salzbourg. Ce sont des choses qui marquent. Il y a aussi des moments beaucoup plus anecdotiques, quand nous étions jeunes, qui n’ont pas été importantes pour la carrière, mais qui ont suscité des rencontres parmi les plus marquantes et les plus belles dans notre parcours. Je vais reprendre un mot de Leon Fleisher avec qui j’étais en contact plus jeune : «La chose la plus importante pour une carrière c’est l’expérience». Je suis de plus en plus convaincu de cela. Un musicien c’est une accumulation d’expériences, qui enrichissent la personne et peuvent transparaître dans sa façon de jouer. Pour nous, chaque concert a son importance, je ne pourrai donc pas citer l’un ou l’autre en particulier.

Où vous voyez-vous dans 20 ans ?

Nous ne faisons pas de plan. On ne sait pas quelle envie on aura. Nous ne pensons pas à cela. Et d’ailleurs si on prend le terme «Wanderer» du romantisme allemand, c’est un jeune homme qui part de chez lui à la découverte du monde et qui fait une sorte de voyage initiatique. La particularité du Wanderer est qu’il n’y a pas de but. Il n’a pas d’objectif défini. C’est une forme de vagabondage ou d’errance. Il y a cette idée qu’on est toujours en chemin. Et pour ceux qui connaissent les Winterreise (Voyages d’hiver) de Schubert, à la fin, le héros est mort. Et même dans la mort, il continue à marcher sans savoir où il va. C’est cela qui est portant je crois. Nous n’avons pas de but précis. A chaque fois, nous découvrons d’autres choses et faisons d’autres expériences, rien qu’avec le répertoire. Cette année par exemple, nous jouons sept ou huit nouvelles œuvres, donc différentes. Nous rencontrons de nouveaux musiciens. Il y a toujours quelque chose de nouveau. L’important c’est de se dire : on n’est jamais arrivé. Il ne faut surtout pas se dire : il n’y a plus rien à faire ou à apprendre. Ce qui tue un musicien c’est la routine. Il faut toujours se surprendre. Nous n’avons pas de plan, nous ne fonctionnons pas comme cela. Et cela évite l’ennui.

Quels sont vos projets d’enregistrement ?

Nous venons d’enregistrer un ensemble de Trios de Haydn. L’enregistrement paraîtra en fin d’année. Nous allons enregistrer en janvier, toujours pour Harmonia Mundi, des Trios de Rachmaninov. Ce disque sortira fin 2018. Nous avons encore plusieurs projets d’enregistrements en 2018, mais nous n’avons pas encore arrêté notre choix.

Propos recueillis par la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds

 

Interview de Omer Bouchez, premier violon du Quatuor Hermès, en exclusivité pour la Société de Musique !

M. Bouchez, Elise Liu et vous-même jouez sur des instruments magnifiques (David Tecchler et Joseph Gagliano) qui vous ont été prêtés. Mathias Lingenfelder du Quatuor Auryn joue sur un Stradivarius ayant appartenu à Joseph Joachim. Le fondateur de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds (il y a 125 ans) était un élève de Joseph Joachim. Connaissez-vous La Chaux-de-Fonds et avez-vous déjà joué à la Salle de musique ?

Nous avons une histoire avec cette salle, puisque nous y avons enregistré notre premier CD en tant que Quatuor Hermès. C’était un enregistrement qui nous avait été offert par le Concours de Genève dont nous avions remporté le 1er Prix en 2011. La société de montres Breguet offre un premier prix qui est l’enregistrement d’un CD. Nous savions que la salle est extrêmement réputée, notamment pour les enregistrements qui y ont été faits et pour sa sonorité. Nous y avons passé une semaine avec notre ingénieur du son en complète autarcie. C’est vraiment un fantastique souvenir. Par contre, nous n’y avons jamais joué devant un public, donc nous avons hâte de venir en concert dans cette salle. Je suppose que l’acoustique change un peu lorsqu’il y a du public (note de la SDM : très peu en fait). Nous avons immédiatement senti que ce lieu est chargé d’histoire. Il y règne une atmosphère très particulière à l’intérieur, une lumière tamisée, une odeur de bois très spéciale. (Remarque de la SDM: la Salle de musique ressemble à une boîte à chaussures, on a l’impression de se trouver à l’intérieur d’un violon). C’est vrai que les salles de concert avec cette architecture en forme de « boîte à chaussures » sont souvent celles avec la plus belle acoustique. A la Salle de musique, il y a en plus tout ce bois avec cette couleur particulière. Nous étions extrêmement concentrés sur notre enregistrement, mais nous avons quand même un peu visité la ville. Originaire de Haute-Savoie, j’ai souvent été en Suisse. Je suis déjà venu pour y essayer des violons. Je sais que c’est la ville natale de l’architecte Le Corbusier. On a beaucoup parlé de cette ville.

Le concert du 10 novembre sera le tout premier que vous donnerez avec le Quatuor Auryn. Le pianiste Alfred Brendel dit de vous que vous êtes «l’un des meilleurs, parmi les jeunes quatuors les plus prometteurs». Vous avez déjà une longue expérience concertante. Que vous apporte une collaboration avec un ensemble tel que le Quatuor Auryn ?

J’ai vraiment hâte de travailler avec le Quatuor Auryn, même si ce sera court. Je l’admire profondément et je crois que mes collègues sont du même avis que moi. Ils ont un style absolument parfait, une sonorité chaude et généreuse, mais en même temps aussi une simplicité et une sincérité dans le discours musical qui nous plaît particulièrement. Avec mon quatuor, nous avons toujours eu envie de transcrire quelque chose d’assez fin, de ne pas trop s’exprimer individuellement ou de s’étaler sur des choses personnelles, mais d’être le plus fidèle possible au compositeur. Nous avons envie de dégager une clarté et une émotion vraiment sincères. Je trouve que les Auryn font cela. Je suis particulièrement sensible à la musique de Schubert et de Beethoven. Je les ai déjà entendu dans ce répertoire. Les Auryn jouent Schubert admirablement bien (note de la SDM : les Auryn joueront le Quatuor à cordes n°14 en ré mineur D. 810 «Der Tod und das Mädchen», La mort et la jeune fille, de Schubert en première partie de concert le 10 novembre). Ce qui me frappe vraiment chez eux, c’est la clarté du discours et leur sonorité chaude et généreuse, dans la grande tradition des anciens quatuors. Nous ne les connaissons pas encore. Ils ont l’air charmants et je me réjouis particulièrement de pouvoir jouer avec eux pour les raisons évoquées.

Le Quatuor Auryn multiplie les activités. Il organise ses propres concerts et festivals. Ses membres partagent aussi leurs expériences avec de jeunes musiciens qui suivent leur enseignement. Cette activité est très importante pour eux, parce qu’ils voient le partage de leur expérience comme un devoir. Vos collègues et vous avez bénéficié de contacts privilégiés avec des personnalités musicales. Que vous a apporté cette expérience ?

La passion pour cette formation, pour le répertoire du quatuor à cordes. Nous avons multiplié les rencontres avec des professeurs qui n’étaient pas forcément des instrumentistes à cordes, qui nous ont beaucoup transmis et pour qui la musique avait une importance particulière. Je pense notamment à un grand pédagogue allemand qui donne cours à Berlin, Eberhard Feltz, qui est une sommité de l’enseignement du quatuor à cordes. Quand on se retrouve face à ce genre de personne, on doit considérer notre art comme quelque chose d’important. Il faut s’abreuver de musique, être le plus fidèle possible au texte et au compositeur, sans jamais oublier d’être vivant et de garder une certaine fraîcheur. Alfred Brendel a aussi été une rencontre incroyable pour nous quatre. Nous écoutons ces enregistrements depuis toujours. Son jeu est vraiment très impressionnant, notamment dans Schubert. Alfred Brendel est quelqu’un qui n’enseigne presque plus le piano aujourd’hui. Il s’est concentré sur l’enseignement du quatuor à cordes. Il y est venu assez tard et il fait beaucoup cela avec de jeunes quatuors. Nous l’avons d’abord rencontré dans une masterclasse puis on s’est revu à intervalles réguliers. Nous avons eu l’occasion d’aller plusieurs jours chez lui à Londres et de travailler en quintette avec lui. Cela soude un groupe de pouvoir travailler avec un musicien pareil, une légende vivante. En plus d’être un grand musicien, Alfred Brendel est ouvert à tous les arts, il écrit des poèmes, il dessine et il est passionné de théâtre. Il a beaucoup d’humour. C’est quelqu’un de complet.

Vous allez jouer ensemble l’Octuor à cordes en mi bémol majeur op. 20 de Mendelssohn que le compositeur a écrit alors qu’il n’avait que 16 ans. Que représente cette œuvre pour vous ?

Cela représente le génie d’un adolescent. C’est une œuvre complète qui a déjà tout. Elle est très lumineuse. Elle a une note romantique je trouve, même si Mendelssohn est un compositeur hybride, à cheval entre le romantisme et le classicisme. Pour moi, elle est aussi l’occasion, à chaque interprétation, d’une rencontre avec un autre quatuor. Il faut faire attention à ne pas la survoler. C’est une œuvre assez complexe d’écriture, car il y a huit voix indépendantes. Cette pièce peut sonner totalement différemment selon l’équilibre que l’on donne aux voix. Il faut doser entre les voix qui doivent ressortir et les autres qui doivent moins ressortir. C’est une œuvre très intéressante, ludique – il y a beaucoup d’humour – elle est virtuose. La tonalité en mi bémol majeur lui donne un caractère lumineux et majestueux, surtout quand on joue avec des instruments à cordes.

Vos collègues et vous jouez ensemble depuis 10 ans. Le Quatuor Auryn depuis 36 ans. Où vous voyez-vous dans 30 ans ?

Si j’ai l’occasion de continuer à faire du quatuor, j’adorerais pouvoir le faire, mais j’aimerais aussi transmettre aux autres comme l’on fait avant nous la plupart des quatuors connus. Il faut savoir tenir et renouveler les projets. Le plus compliqué dans un groupe est de continuer à garder une osmose, que tout le monde s’entende bien, c’est un travail de tous les jours. Pour cela, il faut continuer à avoir des projets et des concerts. Je serais le plus heureux des musiciens si je pouvais continuer à faire cela. Il y a suffisamment de répertoire pour remplir une vie voire plus qu’une vie entière. Peut-être que je multiplierais les projets et que je ferais plus d’orchestre. Pour le moment, jouer dans un quatuor est une chance, car cela nous fait tous progresser comme musiciens. Espérons que ce sera toujours le cas dans 20 ans.

Votre calendrier est extrêmement chargé. Vous avez gagné de nombreuses récompenses, le 1er Prix du Concours de Genève notamment. Vos enregistrements sont eux aussi récompensés. Votre nouvel enregistrement consacré aux Quatuors de Debussy, Ravel et Dutilleux sortira début 2018. Avez-vous déjà de nouveaux projets d’enregistrement discographique ?

Nous allons enregistrer le Quintette et les 3 Quatuors avec piano de Brahms en 2018. Un grand projet de coffret de musique de chambre avec piano de Brahms. Sortie prévue en 2019 sur le label français La Dolce Volta.

Propos recueillis par la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds

 

 

Interview de Matthias Lingenfelder, premier violon du Quatuor Auryn, en exclusivité pour la Société de Musique !

M. Lingenfelder, vos collègues et vous jouez sur des instruments magnifiques. Vous-même jouez sur un Stradivarius ayant appartenu à Joseph Joachim. Le fondateur de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds (il y a 125 ans) était un élève de Joseph Joachim. Connaissez-vous La Chaux-de-Fonds et avez-vous déjà joué à la Salle de musique ?

Non, ce sera la toute première fois que nous viendrons à La Chaux-de-Fonds. Nous avons souvent entendu parler de cette ville et de sa célèbre salle dont on dit que l’acoustique est magnifique. De nombreux enregistrements y ont été réalisés. Nous nous réjouissons énormément de venir y jouer. Concernant nos instruments, nous avons l’immense chance que des fondations nous les prêtent. C’est plutôt rare pour les quatuors.

Le concert du 10 novembre sera le tout premier que vous donnerez avec le Quatuor Hermès. Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour et que pensez-vous du Quatuor Hermès dont le pianiste Alfred Brendel prétend qu’il est «l’un des meilleurs, parmi les jeunes quatuors les plus prometteurs» ?

C’est d’abord pour des raisons pratiques, parce que nous avons la même agence qui nous a toujours parlé de ce quatuor d’une manière extrêmement élogieuse. Nous l’avons entendu et nous trouvons aussi qu’il est formidablement talentueux. Nous nous réjouissons de jouer pour la première fois avec eux.

Vous allez jouer ensemble l’Octuor à cordes en mi bémol majeur op. 20 de Mendelssohn que le compositeur a écrit alors qu’il n’avait que 16 ans. Que représente cette œuvre pour vous ?

C’est l’une de mes œuvres préférées. C’est une pièce magnifique, absolument géniale. Mendelssohn avait 16 ans comme vous l’avez dit. C’est tout à fait incroyable d’imaginer qu’il ait pu écrire pareille œuvre à cet âge. Cette œuvre a été composée juste après l’été 1825, alors que le jeune homme rentrait d’un voyage à Paris. Mendelssohn devait être un génie, c’est indéniable. C’est très impressionnant. Il y a une extrême légèreté, mais en même temps aussi une grande profondeur intellectuelle dans cette œuvre très réfléchie. C’est quelque chose de vraiment précieux. Nous avons souvent joué l’Octuor avec différents quatuors ou divers musiciens, ainsi qu’avec de jeunes musiciens et des élèves à nous. Évidemment, nos élèves peuvent bien s’immerger parce qu’ils peuvent se reposer sur nous, une structure solide de quatre musiciens. Il est plus facile d’intégrer quatre autres musiciens lorsqu’on est dans ce type de configuration que lorsqu’on est seul.

Vous avez fondé le Quatuor Auryn en 1981, avec lequel vous avez notamment gagné le prix ARD. Quelle est la recette de cette longévité ?

Il me semble que nous sommes actuellement le quatuor à la plus longue longévité dans une formation inchangée depuis 36 ans. Le Quatuor Amadeus détient le record avec 40 ans d’activité avec la même formation. Nous arriverons aussi à 40 ans, c’est sûr! (note de la SDM : c’est en fait au Quatuor Panocha que revient le record de longévité. Créé en 1968 à Prague, il a interprété à La Chaux-de-Fonds le 22 novembre 2016 les Quintettes avec piano de Dvorak et Brahms avec le pianiste canadien Louis Lortie). C’est une grande chance que nous nous soyons trouvés. Nous nous entendons bien. Il faut bien sûr faire preuve de beaucoup de tolérance et s’écouter les uns les autres. Ce qui consolide les liens c’est bien sûr aussi l’amour pour la musique. Quand il y a des crises, qu’on se dispute et qu’on a des problèmes, tout est oublié une fois qu’on monte sur scène et qu’on fait de la musique ensemble en concert. Nous ne nous voyons plus très souvent en privé, mais cela était très différent au début. Pendant les dix premières années de notre histoire commune, nous passions le plus clair de notre temps ensemble. Nous allions boire des verres après les répétitions. Nous avons fait beaucoup de choses ensemble. Puis chacun a eu une famille.

Vous organisez votre propre festival de musique de chambre annuel dans la ville vénitienne d’Este en Italie (Incontri Internazionali) et vous êtes aussi directeur artistique des Musiktage Mondsee en Autriche. Depuis 2003, le quatuor partage sa longue et vaste expérience avec de jeunes musiciens débutants qui suivent son enseignement de musique de chambre à la Hochschule für Musik Detmold. Que vous apportent ces différentes activités ?

Nous avons un immense répertoire, probablement plus grand que la plupart des autres quatuors. Nous avons enregistré l’intégrale des Quatuors de Haydn (il y en a quad même 68), l’intégrale des Quatuors de Schubert, de Beethoven évidemment… Cela pour dire que nous connaissons très bien la littérature classique pour instruments à cordes. Nous pensions qu’il était important de transmettre cette expérience et ces connaissances à la jeune génération, nos propres expériences, notre vision de la musique et notre manière de jouer ensemble. Nous sommes d’avis que c’est une tâche importante pour la génération de musiciens à venir. Pour ce qui est des festivals, l’impulsion venait d’un souhait personnel de notre part. Nous avions envie de concevoir nous-mêmes des programmes de concert et pas seulement d’effectuer des tournées. Nous avions envie de programmer des musiciens et des œuvres que nous aimons et qui intéressent le public. C’est une belle activité qui n’est pas forcément nécessaire mais qui nous plaît beaucoup.

Votre calendrier est extrêmement chargé et vous avez mis longtemps avant de sortir votre dernier CD consacré aux 6 Quintettes à cordes de Mozart paru en 2016. Avez-vous des projets d’enregistrement discographique ?

Nous avons déjà terminé l’enregistrement d’un nouveau CD avec les 6 Quatuors à cordes de Mozart dédiés à Haydn. Ce CD devrait paraître encore avant la fin de l’année ou au plus tard début 2018. Un nouvel enregistrement est prévu pour l’année prochaine, mais ce projet est en cours de réflexion.

Propos recueillis par la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds

Une journée de concert avec Frédéric Eggimann, administrateur de la Société de Musique, vue par Migros Magazine.

Migros Magazine a suivi Frédéric Eggimann durant la préparation d’un concert, l’occasion pour Pierre Wuthrich, rédacteur en chef adjoint et Guillaume Perret, photographe, de livrer un portrait sensible qui laisse à l’administrateur de la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds le souvenir d’un échange fait de sincérité, d’intelligence et d’écoute.

Cet article parait à l’occasion d’une semaine particulièrement marquante pour la Société de Musique, qui a ouvert sa 125e saison lundi dernier avec la Philharmonie Tchèque, le chef Tomas Netopil et le violoncelliste norvégien Truls Mork et qui se prépare à accueillir demain dimanche 29 octobre la violoniste norvégienne Vilde Frang qui se fera l’interprète du Concerto pour violon de Beethoven, aux côté de l’Orchestre de chambre de Bâle placé sous la direction de Trevor Pinnock. Deux solistes norvégiens pour la même excellence !

Reflet du concert d’ouverture et avant-goût du concert de dimanche !

Lundi dernier, la Philharmonie Tchèque attendait le chef Tomáš Netopil pour une magnifique interprétation de la 8e Symphonie de Dvořák. En première il y eut la lumière du grand violoncelliste norvégien Truls Mørk dans le Concerto du même Dvořák. La 125e saison est ouverte de la plus belle des manières !

Elle attend dimanche une autre star venue de Norvège, la violoniste Vilde Frang qui interprétera le concerto pour violon de Beethoven, chef-d’oeuvre du genre, aux côtés de l’Orchestre de chambre de Bâle placé sous la direction du grand chef anglais Trevor Pinnock, qui collabore pour la première fois avec Vilde Frang !

Avant-goût en musique, lors d’une séance d’enregistrement du Concerto de Britten sorti début 2016, un des disques que Vilde Frang signera à la pause du concert de dimanche. Sa prochaine sortie discographique est prévue le 17 novembre prochain. Composé de célèbres bis, “Homage”, comme son nom l’indique, est un hommage aux violonistes légendaires du 20e siècle que Vilde Frang apprécie particulièrement.

Tomáš Netopil, qui dirige la Philharmonie Tchèque lundi soir, s’est prêté pour nous au jeu des questions-réponses.

Jiří Bělohlávek devait diriger la tournée de la Philharmonie Tchèque, la vie en a décidé autrement puisque l’immense chef tchèque est décédé récemment. Il revient à Tomáš Netopil, tchèque lui aussi, l’honneur et la responsabilité de le remplacer à la tête d’un des orchestres les plus prestigieux de la planète. Depuis l’automne 2013, il est le directeur musical du Théâtre Aalto et de la Philharmonie d’Essen. Sa carrière s’est aussi enrichie au gré de nombreux engagements dans des théâtres lyriques d’importance, comme la Deutsche Oper Berlin, l’Opéra de Munich, l’Opéra de Paris, l’Opéra des Flandres, le Théâtre de la Fenice ou le Théâtre San Carlo de Naples. Il entretient également une étroite collaboration avec l’Opéra de Vienne. Dans le registre symphonique, Netopil s’est notamment distingué à la tête de l’Orchestre Philharmonique Tchèque, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre Philharmonique de Londres, l’Orchestre Symphonique de Prague et maintes grandes phalanges allemandes, dont l’Orchestre Philharmonique de Berlin et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. En Suisse, Tomáš Netopil a déjà fait ses débuts à la tête des deux principales phalanges du pays, l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich et l’Orchestre de la Suisse Romande. Il a eu la gentillesse de répondre à quelques unes de nos questions.

Vous êtes lauréat du Concours de direction Georg Solti à Francfort en 2002 et vous dirigez de nombreux orchestres prestigieux depuis vos débuts: diriger un orchestre est quelque chose que vous avez toujours voulu faire et quel est votre premier souvenir comme chef?

Tout a commencé à l’école quand je dirigeais un petit orchestre de chambre. Mon premier grand souvenir comme chef d’orchestre reste toutefois celui d’un concert lors duquel je dirigeais un orchestre symphonique, mais cela fait déjà partie d’un passé lointain. Enfant, j’ai d’abord voulu être violoniste. J’ai donc fait des études dans cette voie. Puis j’ai énormément apprécié faire de la musique de chambre et jouer dans un orchestre de chambre. Étant donné que je dirigeais toujours les autres (comme premier violon) dans ces divers ensembles, que j’aimais parler de musique et partager mes réflexions sur la musique avec les autres, je me suis dit que ce serait bien d’essayer de m’engager dans une carrière de chef d’orchestre. J’ai donc commencé à faire des études pour y parvenir.

Vous avez occupé le poste de directeur musical au Théâtre National de Prague de 2009 à 2012. Vous dirigez à présent la Philharmonie Tchèque depuis le décès de Jiří Bělohlávek. Est-ce que cela a été difficile de suivre ses pas?

J’ai pris en charge quelques-uns de ses projets. Il était mon professeur et mon mentor, je l’admirais beaucoup en tant que musicien. Sa disparition a été un choc pour tous ceux qui avaient à faire à lui. Son décès m’a attristé, mais je me sens privilégié de pouvoir me charger  – en faisant du mieux que je peux – de certains de ses projets et de les mener à bien. C’est en quelque sorte lui rendre hommage par ce biais.

La Philharmonie Tchèque a quelque chose d’un trésor national. Comment travaille-t-on avec un tel orchestre, est-ce différent qu’avec un autre orchestre?

Oui, c’est quelque chose de différent. La Philharmonie Tchèque a un son spécial, un son chaud et la composition de l’orchestre change beaucoup, parce qu’il y a de nombreux jeunes musiciens qui en font partie. Ces jeunes ont envie de se donner à fond et l’atmosphère dans l’orchestre est très conviviale. J’ai toujours beaucoup de plaisir à travailler avec eux. J’ai mon bureau ici à Essen et pour moi, ce sont toujours des moments spéciaux et précieux de pouvoir retourner à Prague et travailler avec la Philharmonie Tchèque.

Vous allez diriger des œuvres des deux compositeurs tchèques Dvořák et Janáček (vous avez d’ailleurs enregistré Jenůfa avec le Prague Radio Symphony Orchestra). En tant que Tchèque, avez-vous un attachement particulier à ces compositeurs?

Oui, j’ai toujours ressenti un lien émotionnel très fort avec eux, en particulier avec Dvořák, c’est clair. Une musique splendide et spéciale à mes yeux. Janáček a toujours représenté un défi pour moi. A l’étranger, il est célèbre pour ses opéras, mais entendre ses œuvres orchestrales dans un concert symphonique est une expérience remarquable et je suis heureux que nous ayons pu ajouter l’ouverture de l’opéra Jenůfa au programme du concert qui sera donné à La Chaux-de-Fonds. La musique de Janáček est très émotionnelle, dans le sens dramatique de sa musique et dans son vocabulaire musical.

Vos deux CD de musique symphonique de Janáček parus chez Supraphon ont été choisis comme “Editors choice of the month” par le magazine Gramophone. Vous dirigez de nombreux opéras et de nombreuses premières. Quels sont vos futurs projets, tant pour les concerts que pour les CD, au cours de la saison à venir?

Il y a une tournée anglaise avec soliste prévue avec la Philharmonie Tchèque dans quelques mois. J’ai bien sûr aussi mes propres projets de concerts et de productions d’opéras ici à Essen. Je vais diriger dans quelques jours la première de l’opéra comique La Fiancée vendue de Smetana, puis en mars 2018 la première du drame musical Salomé de Strauss. J’aurai également une nouvelle production à l’Opéra national de Vienne, Der Freischütz. Et je vais diriger divers orchestres comme chef invité. J’aurai de quoi faire ! En ce qui concerne les CD, je vais sortir un nouvel album chez Supraphon en novembre avec de la musique de Martinů, Bouquet de fleurs, enregistré par la Philharmonie Tchèque il y a quinze ans. C’est une cantate extraordinaire et je suis très fier de cet album.

Propos recueillis par la Société de Musique de La Chaux-de-Fonds

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